D’un côté, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et le Kansas City Southern (KCS) qui doivent évaluer leurs options après avoir subi un revers auprès des autorités réglementaires. De l’autre, le Canadien Pacifique (CP) qui réitère son intérêt à l’endroit du transporteur du Missouri, tout en prévenant que sa patience a des limites.

Le feuilleton entourant l’avenir de KCS et de ses actifs qui offrent un accès au Mexique s’est poursuivi, mercredi, à la suite d’une décision attendue du Surface Transportation Board, responsable des fusions dans le secteur des chemins de fer. Pendant ce temps, les titres des trois protagonistes ont progressé. Le point sur la situation.

Qu’est-ce qui attend le CN ?

Le plan initial du transporteur ferroviaire montréalais a déraillé. La demande visant à mettre sur pied une fiducie avec droit de vote, qui aurait permis au CN de détenir les actions de KCS pendant l’examen de la transaction – ce qui aurait pu s’étirer jusqu’à la fin de 2022 –, a été rejetée à l’unanimité par le STB. Cet outil aurait permis aux actionnaires de KCS d’être payés plus rapidement plutôt que de devoir attendre jusqu’à la fin du processus.

L’organisme américain a estimé que le CN et KCS n’avaient pas démontré que cette fiducie favorisait l’intérêt public, évoquant des inquiétudes pour les expéditeurs américains ainsi qu’en matière de concurrence.

Selon les analystes, les options qui s’offrent au CN se résument à porter la décision du STB en appel, bonifier son offre afin de convaincre les actionnaires d’attendre jusqu’à la fin de l’examen de la fusion avant d’obtenir leur argent, ou tout laisser tomber.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Les réseaux du CN et de KCS

« Nous sommes de plus en plus d’avis que le CN abandonnera, un résultat qui devrait favoriser la proposition rivale du CP, selon nous », estime l’analyste Steve Hansen, de la firme Raymond James, dans une note à ses clients.

Les actionnaires de la société américaine devaient se prononcer ce vendredi sur la proposition en actions et en espèces valorisée à 33,6 milliards US émanant du plus important transporteur ferroviaire au pays. Ce vote sera reporté, a indiqué KCS, qui a confirmé avoir reçu la dernière offre du CP et qu’elle sera évaluée.

« Nous continuons à travailler avec le CN pour évaluer les options qui s’offrent à nous », s’est limité à commenter la société, dans une courte déclaration.

Quelle est la stratégie du CP ?

Attendre, mais pas indéfiniment. Le transporteur ferroviaire de Calgary s’était initialement entendu avec KCS en mars dernier avant de voir son rival lui damer le pion. Depuis, le CP répète que c’est son offre qui est la moins risquée d’un point de vue réglementaire.

Souhaitant toujours acheter la société américaine, le chef de la direction du CP, Keith Creel, a fait savoir que sa patience avait cependant des limites. La dernière proposition de l’entreprise, évaluée à 31 milliards US, ne sera plus sur la table à compter du 13 septembre.

L’échéancier est l’échéancier, a-t-il prévenu, mercredi, en conférence téléphonique avec les analystes. Ce que je sais, c’est que le 13 septembre, ma volonté d’offrir une valeur de 300 $ US [pour chaque action de KCS] ne sera pas la même que le 12 septembre.

Keith Creel, chef de la direction du CP

La société albertaine dispose d’un atout dans sa manche pour faire réfléchir le conseil d’administration de KCS : l’approbation du STB pour mettre en place une fiducie avec droit de vote en raison de sa plus petite taille et de l’absence de chevauchements de son réseau avec celui de la société américaine.

Par ailleurs, grâce à une exemption, une fusion entre le CP et KCS aurait été examinée en vertu de règles moins strictes au sud de la frontière. Le STB ne s’est pas penché sur un projet de fusion dans l’industrie ferroviaire depuis les années 1990. Le cadre réglementaire, qui a été resserré en 2001, n’a pas encore été mis à l’épreuve.

Les titres des trois entreprises grimpent. Pourquoi ?

Les raisons sont différentes. Pour financer l’acquisition de KCS, l’endettement du CN aurait grimpé de 19 milliards, pour atteindre 33 milliards, en tenant compte de la dette de KCS. La transaction aurait également généré de l’incertitude, notamment au chapitre de l’intégration.

« À court terme, l’incertitude sur la performance financière du CN est dissipée, selon Louis Hébert, professeur de stratégie à HEC Montréal. Dans les prochains mois, la performance est relativement prévisible. Qu’est-ce qui va arriver dans un an ? Deux ans ? Trois ans ? C’est moins clair. »

Du côté du CP, la perspective d’une acquisition lui permettant de devenir le premier transporteur ferroviaire à exploiter un réseau reliant le Canada, les États-Unis et le Mexique a désormais plus de chances de se concrétiser. L’entreprise a également été en mesure de relever son offre sans s’endetter davantage en proposant plus d’actions. En ce qui a trait à KCS, même si son regroupement avec le CN semble incertain, une option de rechange existe toujours.

À la Bourse de Toronto, mercredi, l’action du CN a clôturé à 154 $, en hausse de 5,60 $, ou 3,8 %, au lendemain d’un gain de 7,4 %. Le titre du CP a avancé de 5,1 %, ou 4,46 $, pour terminer à 91,15 $. Du côté de la Bourse de New York, l’action de KCS s’est emparée de 10,77 $ US, ou 3,8 %, à 291,44 $ US.