Je n’ai pas été surpris d’apprendre que les revenus de la chaîne de dépanneurs Couche-Tard avaient chuté de 20 % à son troisième trimestre, et j’ai même été plutôt étonné que les résultats financiers de l’entreprise n’aient pas été davantage touchés par les effets combinés du confinement, des couvre-feux et du télétravail sur les déplacements routiers de sa clientèle nord-américaine et européenne.

J’ai été longtemps un client assidu de Couche-Tard parce que je m’arrêtais fréquemment dans l’un ou l’autre de ses innombrables dépanneurs du Québec pour y faire le plein d’essence, mais plus souvent encore pour y acheter des cigarettes…

« Un client au profil parfait, on voudrait tous qu’ils soient comme vous », m’avait dit en riant Brian Hannasch, PDG du groupe Couche-Tard, lors de notre première rencontre, quand je lui avais expliqué pourquoi je connaissais si bien les commerces de sa marque.

J’ai arrêté de fumer il y a un an et demi maintenant, mais j’ai continué à me rendre au moins une fois par semaine dans un dépanneur Couche-Tard pour aller faire le plein d’essence.

PHOTO ERIC THOMAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Alimentation Couche-Tard a enregistré une baisse de 20 % de ses revenus à son troisième trimestre, alors que ses volumes de ventes d’essence ont chuté de 15,9 % aux États-Unis, de 10,3 % en Europe et de 19 % au Canada.

J’utilisais ma voiture pour me rendre de la Rive-Sud au bureau à Montréal et pour réaliser au moins trois ou quatre déplacements par semaine dans les environs et dans la région métropolitaine pour des entrevues, des assemblées, des rencontres, des visites d’entreprise, puis revenir à la maison en fin de journée.

Depuis un an, toutefois, la fréquence de mes visites dans les dépanneurs Couche-Tard a subitement beaucoup diminué. Depuis que je suis – comme des millions de travailleurs partout dans le monde – en mode télétravail, un plein d’essence peut facilement me durer trois semaines, l’utilisation de ma voiture étant désormais limitée à quelques déplacements hebdomadaires.

Non seulement je ne fume plus, mais je n’achète même plus d’essence. De client modèle que j’étais, je suis devenu un client désastre pour Couche-Tard.

Mon cas, comme celui de millions d’autres consommateurs, explique en partie pourquoi la multinationale des dépanneurs a enregistré une baisse de 20 % de ses revenus à son troisième trimestre, alors que ses volumes de ventes d’essence ont chuté de 15,9 % aux États-Unis, de 10,3 % en Europe et de 19 % au Canada.

Remarquez que même si ses revenus ont chuté de 3,4 milliards par rapport à l’an dernier, l’entreprise a tout de même enregistré un chiffre d’affaires de 13,2 milliards, alors que son bénéfice net a lui aussi été légèrement touché, passant de 660 millions, il y a un an, à 607 millions.

Les ventes d’essence ont chuté, mais les marges brutes par litre vendu ont augmenté au Canada, aux États-Unis et en Europe.

Discipline et retour à la normale

Il faut aussi souligner que Couche-Tard a réussi à augmenter ses volumes de ventes de marchandises et de services en magasin de 5,6 % durant son troisième trimestre, malgré une baisse de l’achalandage.

Les consommateurs ont moins fréquenté les commerces du groupe, mais ont réalisé davantage d’achats durant leurs visites, particulièrement en ce qui concerne les cigarettes et les produits alcoolisés.

Couche-Tard a misé davantage sur la vente de nourriture dans ses commerces qui offrent ce service, une tendance dont le groupe entend profiter dans tous ses marchés.

Au cours d’une conférence téléphonique avec les analystes financiers, jeudi matin, le PDG Brian Hannasch a reconnu que le confinement plus strict – notamment dans les régions de Montréal et de Toronto ou même en Irlande – avait nui aux résultats du groupe, mais il a affirmé que Couche-Tard était prête à rebondir lorsque la campagne de vaccination aura permis un réel retour à la normale.

Chose certaine, le groupe a toujours confiance en ses moyens et dans l’avenir. Au cours du troisième trimestre et durant les mois de février et de mars, Couche-Tard a continué ses rachats d’actions qui ont totalisé 900 millions.

Cette utilisation de liquidités disponibles ne signifie pas pour autant que le groupe a fait une croix sur une acquisition d’importance.

Après l’échec de sa tentative d’acquisition du géant français de l’alimentation Carrefour, Couche-Tard concentre son attention sur les marchés des États-Unis et de l’Asie pour poursuivre son expansion au moyen d’acquisitions.

Brian Hannasch a rappelé que l’acquisition l’automne dernier du groupe Convenience Retail Asia et de ses 350 dépanneurs à Hong Kong et à Macao lui avait donné la plateforme nécessaire à une expansion dans ce marché à forte croissance.

Avec des liquidités disponibles de 5,3 milliards et un ratio d’endettement qui lui laisse beaucoup de latitude, le groupe est en mesure de réaliser une transaction d’importance si l’occasion se présente.

Comme Couche-Tard nous l’a souvent démontré dans le passé, il ne faudrait pas se surprendre que cette transaction d’importance survienne plus rapidement qu’on ne s’y attend.