L’enseigne Familiprix a publié un avis prévenant sa clientèle qu’en raison « de circonstances inhabituelles », elle éprouvait des difficultés à approvisionner ses succursales. Elle a aussi cessé de publier sa circulaire. Que se passe-t-il donc ? L’implantation d’un logiciel de gestion s’avère plus éprouvante que prévu, a découvert La Presse.

Sur les sites web où l’on peut consulter les circulaires des détaillants, celle de Familiprix a été remplacée par un avis comme on en voit très rarement. On peut y lire que des problèmes d’approvisionnement touchent « plusieurs sections » dans les succursales. Ainsi, du 15 octobre au 4 novembre, « il est possible que vous ne trouviez pas certains produits sur nos tablettes ».

La cause de cette situation qu’aucun détaillant ne veut vivre n’est pas précisée. Mais on comprend qu’elle est plus sérieuse que celle vécue par tous ses concurrents à cause de la pandémie.

Au siège social, à Québec, on a transmis notre demande de renseignements à Nadia Roy, adjointe au vice-président marketing et communications. Après s’être informée du sujet de notre reportage, elle nous a uniquement répondu ceci par courriel : « Nous n’avons aucun commentaire à émettre à ce sujet. »

La chaîne de pharmacies a cependant informé à la mi-octobre ses fournisseurs et d’autres membres de son industrie de ses malheurs automnaux.

« Nous vous avons communiqué précédemment que Familiprix implantait le système de distribution SAP en septembre. Malheureusement l’implantation s’avère plus difficile qu’anticiper [sic] et perturbe considérablement nos opérations courantes », peut-on lire dans un courriel transmis il y a quelques jours aux fournisseurs et signé par des membres de la haute direction.

Comme il se doit, dans les circonstances, Familiprix donne la priorité à l’expédition des médicaments, de sorte que les autres catégories de produits peuvent écoper.

Les signataires du courriel ajoutent qu’ils ont dû prendre « la difficile décision de cesser l’impression et la distribution de la circulaire » pendant quatre semaines « pour ne pas léser les consommateurs qui se rendraient dans nos pharmacies pour acheter des produits que nous ne sommes pas en mesure d’approvisionner ».

Dans une autre communication diffusée en septembre et que nous avons obtenue, Familiprix explique avoir fait plusieurs tests « concluants ». « Néanmoins, nous faisons face à quelques enjeux qui pourraient avoir des répercussions sur la chaîne logistique et ajouter des délais anormaux au niveau de la prise de rendez-vous de livraison et du déchargement à nos centres de distribution. »

SAQ et Loblaw

La situation vécue par Familiprix n’est évidemment pas unique.

On se rappellera qu’à l’été 2017, des restaurateurs avaient été privés de bouteilles de vin en pleine fin de semaine du Grand Prix parce que la Société des alcools du Québec (SAQ) implantait un PGI (progiciel de gestion intégré). Mieux connu sous le nom ERP, il s’agit d’un système de gestion de toutes les activités d’une entreprise.

Quelques mois plus tard, alors que le nouveau système informatique provoquait encore certains ratés dont les agences d’importation se plaignaient, la SAQ ne pouvait prédire la durée des problèmes. L’actuelle PDG de la SAQ Catherine Dagenais (alors vice-présidente et chef de l’exploitation) rapportait que ses collègues des technologies de l’information lui affirmaient qu’un tel logiciel prend « six mois à stabiliser », mais d’autres experts lui avaient plutôt parlé de deux ans.

Le cas le plus tristement célèbre est sans doute celui de Loblaw, qui a annoncé l’implantation d’un ERP de JD Edwards en 2008. Deux ans plus tard, on prévoyait la fin du chantier en 2011 et des investissements de 258 millions de dollars par année dans le projet, plutôt que les 100 millions prévus initialement. Le parcours a été marqué par des tablettes vides et des trimestres déficitaires. Et beaucoup de retards.

D’ailleurs, la publication spécialisée Canadian Grocer écrivait en 2012 que Loblaw avait « englouti des milliards dans la technologie de SAP », en précisant que la fin de l’implantation était prévue à la fin de… 2014.