Les dirigeants de Couche-Tard n’avaient jamais confirmé s’ils avaient fait ou non une offre pour acquérir le réseau de 3900 dépanneurs–stations-service Speedway aux États-Unis, mais mercredi après-midi, Alain Bouchard, président exécutif du conseil et cofondateur de l’entreprise, m’a confié sans ambages qu’il aurait aimé remporter la mise contre son concurrent 7-Eleven pour devenir le plus important acteur aux États-Unis.

« Bien sûr qu’on était très intéressés par ce réseau-là », m’a dit Alain Bouchard au cours d’une entrevue en visioconférence, accompagné par le PDG Brian Hannasch et le chef de la direction financière du groupe, Claude Tessier, en marge de l’assemblée annuelle virtuelle des actionnaires de l’entreprise.

« Il y avait toutefois des complications avec le Bureau de la concurrence américain. Il aurait fallu se départir d’un certain nombre de magasins pour y arriver, il y en aurait de 600 à 800 qu’on n’aurait pas pu conserver. On a fait une offre qui était très généreuse, mais on a été battus par la compétition. Pour les mauvaises raisons, je crois. »

On le sait, c’est le conglomérat japonais Seven & i Holdings qui a mis la main, au début du mois d’août, sur les 3900 magasins Speedway aux États-Unis qui appartenaient au groupe Marathon Petroleum Corp. Seven & i Holdings a accepté de payer 21 milliards US pour obtenir les actifs convoités, bien au-delà des 18 milliards qu’était prête à débourser Couche-Tard.

Au début de la présentation qu’il a faite à ses actionnaires, le président exécutif du conseil de Couche-Tard a souligné que la direction du groupe avait encore une fois démontré avec le dossier Speedway la discipline avec laquelle elle réalise ses acquisitions.

« Nous nous bâtissons sur des bases solides, on ne vise rien de spectaculaire », a insisté Alain Bouchard. Le PDG Brian Hannasch en a rajouté lorsque je lui ai demandé s’il n’était pas déçu que le concurrent 7-Eleven confirme sa position dominante avec ses 12 000 magasins aux États-Unis, contre 7300 pour Couche-Tard.

« Nous, on mesure notre taille en termes de rentabilité. On veut rester le groupe le plus rentable au monde », a relativisé Brian Hannasch.

Doubler de taille en cinq ans

En plus d’avoir cherché à acquérir la chaîne de 3900 magasins Speedway aux États-Unis, Couche-Tard a tenté de mettre la main sur la chaîne australienne Caltex et ses 2000 dépanneurs–stations-service dans une offre valorisée à 7,5 milliards US en février dernier.

« L’Australie reste un marché très intéressant pour nous. Caltex était une entreprise très intégrée, différente de Couche-Tard. Ils ont eu beaucoup de problèmes avec la COVID-19, et là, on regarde d’autres joueurs en Australie », explique Alain Bouchard.

Parce que l’objectif de doubler d’ici cinq ans la taille et les revenus de Couche-Tard reste toujours en tête de liste de l’ordre du jour de l’entreprise québécoise.

« On va le faire en réalisant des acquisitions, mais on a déjà clairement établi qu’on va atteindre cet objectif en bonne partie, plus de 50 %, via la croissance organique. On va faire des acquisitions, mais on va les faire à un bon prix », insiste Alain Bouchard.

Mercredi, à l’assemblée annuelle, Brian Hannasch a réitéré que les marchés les plus porteurs restaient les États-Unis, l’Europe et l’Australie, ainsi que le Sud-Est asiatique. Pourquoi le Sud-Est asiatique intéresse-t-il tant Couche-Tard ? Quel est l’attrait géoéconomique de cette région éloignée du monde ?

C’est Claude Tessier, chef de la direction financière, qui m’a répondu.

« Il s’agit d’une plateforme de croissance intéressante pour nous. C’est un marché en développement avec une population jeune et un très bon niveau de consommation. On a déjà des licenciés là-bas qui performent très bien. C’est définitivement un bon axe de croissance », a expliqué le financier.

Le dernier exercice financier de Couche-Tard a été évidemment affecté en toute fin de parcours par la pandémie de coronavirus. Les équipes du groupe ont répondu avec énergie à la crise qui a frappé, et elles ont même été capables de terminer un premier trimestre avec une profitabilité accrue. Comment entrevoit-on la suite des choses avec une seconde vague qui semble prendre une ampleur inquiétante ?

« On parle beaucoup de la fatigue COVID. C’est un défi de tous les jours que de garder notre personnel engagé. Mais on vient tout juste de terminer une rencontre de quatre jours avec tous les leaders du groupe dans le monde et on se prépare au pire, sans le souhaiter », constate Brian Hannasch.

Outre la mobilisation des équipes sur le terrain, l’autre grand défi de Couche-Tard sera de maintenir optimal son réseau de distribution en cas de reconfinement généralisé.

« On a pris beaucoup de mesures pour protéger nos employés et nos clients, et on va continuer de le faire. On a une offre de produits et de services diversifiée qui va nous permettre de répondre aux besoins des consommateurs si la crise prend à nouveau de l’ampleur. »