Ce n’est pas une, mais deux victoires devant les tribunaux que vient d’obtenir l’entreprise DuProprio contre les courtiers immobiliers. Après des dépenses de centaines de milliers de dollars en frais d’avocats pour assurer sa défense, l’entreprise fondée au Québec demande aujourd’hui au milieu du courtage de la laisser vivre en paix.

« Nous souhaitons sincèrement que l’industrie du courtage passe à autre chose et laisse notre entreprise et les consommateurs qui nous choisissent tranquilles », demande publiquement Marco Dodier, président et chef de la direction depuis 2014.

Son message semble avoir été entendu. L’Organisme d’autorégulation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), demandeur dans l’une des deux causes, a décidé de ne pas en appeler de la décision qui a confirmé que DuProprio n’était pas assujettie à la Loi sur le courtage immobilier, indique l’organisme dans un courriel.

« L’OACIQ respecte la décision du tribunal, tout comme le choix du public d’effectuer ses transactions immobilières par lui-même, avec l’aide ou non de personnes ou d’entreprises qui offrent des services d’assistance pour ses transactions immobilières, ou de retenir les services d’un courtier immobilier », écrit Maude Bujeault Bolduc, sa directrice des communications.

L’OACIQ demeure toutefois d’avis que lorsque le public choisit de faire appel à une entreprise d’assistance, il est essentiel qu’il sache qu’il n’est pas protégé par la Loi sur le courtage immobilier (LCI) que nous appliquons.

Maude Bujeault Bolduc, directrice des communications à l’OACIQ

Créée en 1997, DuProprio offre des services aux consommateurs pour vendre leur propriété sans intermédiaire. Ceux-ci paient d’emblée des frais fixes de 700 à 1100 $ plus taxes pour recevoir un bouquet de services, qu’ils réussissent à vendre leur maison ou non.

Ses publicités mettent l’accent sur les milliers de dollars d’économies que le consommateur réalise en vendant sa maison sans courtier. Sa publicité « Bye bye la commission » avec la comédienne Brigitte Lafleur, passionnée d’immobilier, lancée pendant le Bye bye 2017, a marqué les esprits.

En revanche, un courtier exige une rétribution équivalant généralement à de 2 à 7 % du prix de vente de la maison pour ses services, selon que l’acheteur est représenté lui-même par un autre courtier ou non. La commission est exigible uniquement si la propriété est vendue. En 2020, le prix médian d’une maison unifamiliale au Québec s’élève à 275 000 $, selon les transactions enregistrées sur Centris. La commission varie donc entre 5500 $ et 19 250 $ par transaction.

20 % du marché

En 2019, le nombre de propriétés déclarées vendues sur la plateforme DuProprio a dépassé les 22 000, un record, soutient la société. Elle dit détenir 20 % du marché de la revente au Québec, soit environ 30 000 inscriptions par année. En fonction de sa grille tarifaire, nous estimons son chiffre d’affaires annuel entre 20 et 30 millions.

Dans un entretien téléphonique, le président de DuProprio affirme que l’entreprise n’a fait l’objet d’aucun recours de la part de consommateurs insatisfaits devant les petites créances en près de 25 ans d’existence. Jamais, non plus, ajoute-t-il, l’Office de la protection du consommateur ne lui a adressé le moindre reproche.

DuProprio a reçu vendredi la décision en sa faveur du juge Amstrong dans le cadre d’une action collective entreprise par les courtiers regroupés sous le parapluie de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). L’industrie du courtage disait faire les frais de publicités trompeuses quand DuProprio quantifiait les économies possibles pour les consommateurs qui recourraient à ses services.

L’APCIQ affirmait essentiellement que DuProprio faisait de la publicité fausse et trompeuse en illustrant entre autres des économies réalisées par ses clients, basées sur un taux de commission moyen de 5 %. La Cour a statué non seulement que DuProprio ne fait pas de publicité fausse et trompeuse, mais que le taux de 5 % n’est ni gonflé ni exagéré.

Extrait d’un communiqué de DuProprio annonçant sa victoire

« L’APCIQ est extrêmement déçue de ce jugement défavorable pour tous les courtiers immobiliers du Québec, a indiqué l’association, mardi. L’APCIQ analyse la décision et examine toutes les possibilités qui s’offrent à nous avec nos conseillers légaux. Le conseil d’administration de l’APCIQ fera part de sa décision au sujet de ce jugement de la Cour supérieure en temps et lieu, après cette analyse. »

Dans une autre décision, datant d’avril dernier, mais rendue publique ces jours-ci, la Cour a donné raison à DuProprio contre l’OACIQ, dont la mission est de protéger le public qui fait appel à un intermédiaire pour vendre sa maison.

L’OACIQ plaidait que DuProprio devait être assujettie à la Loi sur le courtage immobilier. « La Cour a complètement rejeté ces affirmations, avance le communiqué de DuProprio, en confirmant que DuProprio ne fait pas de courtage et n’agit d’aucune façon comme intermédiaire dans une transaction. »

DuProprio est l’histoire d’une réussite à la québécoise. Fondée par un entrepreneur de Québec, Nicolas Bouchard, en 1997, l’entreprise a ensuite été vendue à une filiale de Power Corporation, longtemps propriétaire de La Presse, qui l’a revendue à Pages Jaunes, qui l’a ensuite cédée à la société de services immobiliers Purple Bricks du Royaume-Uni.