(Lisbonne) Suppressions d’effectifs, baisses de salaires, réduction de la flotte : la compagnie aérienne TAP Air Portugal, dont les difficultés financières se sont accrues avec la crise sanitaire, est contrainte pour survivre de mettre en œuvre un rigoureux plan de restructuration présenté vendredi.

Sans intervention de l’État, « TAP aurait fait faillite », a déclaré lors d’une conférence de presse Pedro Nuno Santos, ministre portugais des Infrastructures, qui a détaillé le plan de restructuration de la compagnie remis la veille à la Commission européenne.

Lisbonne doit en effet convaincre Bruxelles de la viabilité de sa compagnie nationale, renationalisée en juillet dernier, déjà en difficulté avant la pandémie et sauvée en urgence cette année par un prêt public de 1,2 milliard d’euros.

En plus de ce prêt, les besoins de financement de la compagnie s’élèvent à plus de 2,2 milliards d’euros d’ici 2025, dont plus de 970 millions l’année prochaine, selon ce plan qui table sur un retour aux bénéfices dans cinq ans.

« TAP avait des problèmes avant la crise pandémique », a souligné le ministre socialiste, rappelant que la compagnie, qui devrait « perdre 6,7 milliards de recettes d’ici 2025 », est « moins compétitive que ses concurrentes », avec en moyenne « 19 % de pilotes et 28 % de membres d’équipage en plus ».

« Cette situation plombe la productivité de la TAP et il est nécessaire de corriger cela », a-t-il affirmé pour justifier ce plan qui prévoit notamment des baisses de salaires de l’ordre de 25 % et le départ de quelque 2000 salariés sur plus de 10 000 actuellement.  

Le groupe TAP, qui comprend également la société d’assistance au sol Groundforce ou ses activités d’entretien des avions, devra en outre réduire sa flotte et passer de 108 avions actuellement à 88 appareils l’année prochaine.

« C’est l’équilibre que nous avons dû construire pour sauver la TAP », a observé le ministre, ajoutant toutefois que les négociations sur la réduction des effectifs se poursuivent pour limiter les départs du groupe.

« Désastreux pour l’économie »

« La TAP doit changer. C’est une nécessité, car il y a une disproportion entre les coûts et les recettes qu’elle génère. Dans ces conditions, d’autres sociétés auraient déjà fait faillite », a expliqué à l’AFP l’économiste Joao Duque de l’Institut supérieur d’économie et de gestion à Lisbonne.  

Au cours de ces dix dernières années, le groupe aérien portugais n’a dégagé un bénéfice qu’une fois en 2017. Pour cette année, la seule compagnie aérienne a subi des pertes de plus de 700 millions d’euros au cours des neuf premiers de l’année, après un résultat négatif de 110,8 millions sur la même période de 2019.

Pour sauver le groupe, le gouvernement socialiste avait remonté en juillet dernier sa participation au capital de la TAP de 50 à 72,5 %, en rachetant la moitié du consortium privé Atlantic Gateway emmené par l’homme d’affaires américain David Neeleman.

Humberto Pedrosa, patron du groupe de transport routier et ferroviaire Barraqueiro, conserve quant à lui 22,5 % du capital, tandis que 5 % sont aux mains des salariés, qui ont manifesté à plusieurs reprises leur inquiétude.

« Ce plan va entraîner une énorme réduction de la TAP et de sa capacité à être compétitive lors de la reprise économique », a regretté Rodrigo Guimaraes du Syndicat des pilotes de l’aviation civile (SPAC) qui conteste ce qu’il qualifie de « campagne de désinformation » de la part du gouvernement.

« Encore une fois, les salariés vont subir les conséquences des mauvaises décisions… alors que les gestionnaires du groupe ne sont pas appelés à répondre », déplore de son côté le Syndicat national du personnel de l’aviation civile (SNPVAC).  

L’opposition politique est très critique sur ce plan de sauvetage. « C’est dramatique pour les finances publiques », a fait valoir Rui Rio, le leader de l’opposition de droite, estimant préférable une liquidation si la restructuration ne pouvait garantir la sortie de cette spirale.

« Une faillite de TAP serait désastreuse pour l’économie », a prévenu le ministre des Infrastructures, rappelant notamment l’importance de la compagnie, qui a contribué au boum du tourisme, l’un des moteurs de l’économie avant la crise sanitaire.