Calin Rovinescu, PDG d’Air Canada, en a traversé, des crises, durant les années où il a été intimement associé au développement et à la transformation radicale du transporteur aérien. À 65 ans, l’avocat d’affaires qui a habilement piloté son entreprise pour faire face à la pire crise de son histoire a décidé de ne pas attendre la fin de la pandémie pour tirer sa révérence et quittera ses fonctions au début de l’an prochain.

La pandémie de COVID-19 sera donc l’ultime crise qu’aura dû gérer Calin Rovinescu depuis qu’il s’est joint à Air Canada pour la première fois à titre de conseiller à sa privatisation en 1988-1989, puis en 1999 lorsqu’on l’a appelé en renfort pour bloquer l’offre d’achat hostile du conglomérat Onex visant Air Canada

L’avocat, spécialisé en droit des affaires, associé directeur de la firme Stikeman Elliott, a réussi à faire échouer cette transaction et s’est joint à la direction du transporteur aérien en 2000 à titre de président des filiales Jazz et Aeroplan.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Lorsque Calin Rovinescu a pris la direction d’Air Canada, le 1er avril 2009, l’action du transporteur s’échangeait à 78 cents. Une dizaine d’années plus tard, en janvier dernier, la valeur de l’action a atteint un sommet de 52 $.

En 2002, Air Canada se dirige tout droit vers à la faillite et il est nommé responsable de la restructuration et de la stratégie, ce qui permettra à l’entreprise d’émerger péniblement de cette nouvelle crise. En 2004, l’avocat d’affaires quitte la société pour fonder Genuity Capital, une banque d’investissement privée.

Cinq ans plus tard, Air Canada, complètement fragilisée par la récession mondiale de 2008, fait encore appel à Calin Rovinescu à titre de PDG avec cette fois le mandat gigantesque de remettre sur pied cette entreprise qui semble se diriger de nouveau vers le gouffre.

En entrevue, Calin Rovinescu m’avait confié qu’il s’était donné quatre grands objectifs quand il avait accepté de relever ce défi : il fallait remettre le client au centre de toutes les préoccupations de l’entreprise, réduire de 500 millions ses dépenses récurrentes, s’imposer sur le marché international et adopter une culture beaucoup plus entrepreneuriale.

Manifestement, Calin Rovinescu a dépassé les objectifs qu’il s’était fixés, et une bonne façon de le mesurer est de suivre le comportement boursier du titre de l’entreprise sous son règne.

Lorsqu’il a pris la direction d’Air Canada, le 1er avril 2009, l’action du transporteur s’échangeait à 78 cents. Une décennie plus tard, en janvier dernier, la valeur de l’action a atteint un sommet de 52 $. Air Canada a été le titre du TSX qui a affiché le meilleur rendement de la décennie avec une appréciation totale de 3575 % !

Évidemment, le PDG a largement profité de cette performance spectaculaire puisqu’il a notamment pu réaliser des gains de 31 millions en 2017 et de 52 millions en 2019, en convertissant les options qu’il détenait.

Une crise qui fait mal

Tout au long des années où il a été associé à Air Canada, le PDG sortant a dû surmonter son lot d’obstacles : l’offre d’achat hostile d’Onex, l’acquisition de Canadian Airlines, l’effondrement du marché du transport aérien après le 11 septembre 2001, la faillite de 2003, l’après-récession de 2008… Mais la crise du coronavirus reste la pire des crises qu’il aura affrontées.

Si Air Canada a enregistré l’an dernier des revenus record de 19,1 milliards et dégagé un bénéfice d’exploitation record de 3,6 milliards, on doit s’attendre cette année à une fraction seulement de ces résultats alors que l’entreprise a affiché une baisse de 90 % de ses revenus à son deuxième trimestre.

Les analystes financiers soulignent tous par ailleurs la vigueur avec laquelle Calin Rovinescu a répondu à la crise en réussissant notamment à dégager des liquidités de 6 milliards pour faire face à la situation d’urgence.

L’entreprise a tout de même était forcée de sabrer ses effectifs en mettant à pied la moitié de ses 38 000 employés, ce qui est une véritable catastrophe.

Enfin, on ne peut pas faire le bilan du passage de Calin Rovinescu à la tête d’Air Canada sans souligner les talents de négociateur et de stratège qu’il a montrés au fil des ans.

Il est toujours resté un avocat d’affaires, comme vient de nous le rappeler la transaction revue à la baisse qu’il vient de conclure avec Transat A.T.

L’offre prépandémie selon laquelle Air Canada devait payer 720 millions pour Transat a été revue à 190 millions, et aucun gros actionnaire de Transat ne s’y est opposé publiquement à ce jour.

Calin Rovinescu a aussi manœuvré de façon habile au moment de l’acquisition d’Aeroplan, l’an dernier. Après avoir annoncé en 2017 qu’Air Canada – principal partenaire d’Aeroplan – se retirait de ce programme de fidélisation, le transporteur a profité de la chute de la valeur de l’action de la société mère d’Aeroplan pour faire une offre au rabais et racheter le programme.

Calin Rovinescu quitte Air Canada alors que l’entreprise traverse encore des moments extrêmement difficiles, mais il peut partir avec le sentiment du devoir accompli, mis à part le triste épisode de la fin des travaux d’entretien de la flotte d’Air Canada par l’entreprise montréalaise Aveos qui a entraîné la fermeture de cette dernière en 2012.

Au chapitre des bons coups, il faut souligner la commande de 45 avions C Series à Bombardier qui a été annoncée en 2016 lorsque Bombardier avait besoin d’engagements fermes. Calin Rovinescu a fait preuve de plus de sensibilité que son prédécesseur, Robert Milton, qui avait passé une commande de 45 jets régionaux à la brésilienne Embraer en 2004. Ce sera maintenant au tour de son successeur, Michael Rousseau, chef de la direction financière d’Air Canada, d’assumer à partir de février 2021 et pour un bon bout de temps la gestion de crise.

Calin Rovinescu en quelques dates

1980-2000
Avocat d’affaires, Stikeman Elliott
2000-2004
Vice-président général, croissance et stratégie et chef de la restructuration, Air Canada
2004-2009
Président fondateur, Genuity Capital
2009-2021
Président et chef de la direction, Air Canada