Pour la quatrième fois de suite, Héroux-Devtek a présenté il y a quelques jours des résultats trimestriels notablement supérieurs aux attentes des marchés. Son carnet de commandes est aussi plein comme jamais, de sorte que l’avenir s’annonce radieux pour le fabricant de trains d’atterrissage de Longueuil.

Pour son deuxième trimestre 2020, terminé le 30 septembre, Héroux a enregistré des revenus en hausse de 52 %, à 146 millions de dollars, soit plus de 10 % au-delà de la moyenne des prévisions des analystes, qui était à 132 millions. Ses profits ont eux aussi battu les attentes.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Il s’agissait d’un quatrième trimestre de suite au cours duquel l’entreprise battait les prévisions de revenus des analystes par au moins 9 %, dans une industrie où les commandes sont passées des mois, sinon des années à l’avance.

Comment expliquer cette performance ?

Le président et chef de la direction Martin Brassard reconnaît d’entrée de jeu que son entreprise n’est pas de celles qui offrent les mises à jour les plus fréquentes de leurs propres prévisions. Les soubresauts « exagérés » qui peuvent accompagner le moindre manquement relativement à ces prévisions refroidissent ses gestionnaires.

Et même s’il est vrai que l’essentiel des ventes est prévisible longtemps à l’avance, les revenus liés à la maintenance peuvent être un peu plus volatils à court terme. Héroux a aussi augmenté ses revenus grâce à de nouveaux programmes dont les livraisons ont débuté plus tôt que prévu ou en augmentant la production au sein de deux entreprises fraîchement acquises, Beaver et Alta Précision.

Sa croissance au cours des prochaines années est déjà pratiquement garantie par le début des livraisons pour des commandes remportées au cours des dernières années, dont les trains d’atterrissage du gros porteur Boeing 777X, de l’avion d’affaires Falcon 6X de Dassault et du chasseur Gripen E de Saab.

D’environ 590 millions qu’ils devraient être pour l’année financière 2020, les revenus d’Héroux-Devtek devraient atteindre 665 millions en 2022, prévoit-elle. Son carnet de commandes atteint maintenant 769 millions, en hausse de 60 % depuis 12 mois.

L’entreprise, qui compte 2000 employés répartis entre 18 usines dont 5 au Québec, dispose aussi de quelques cartes dans son jeu pour décrocher de nouveaux contrats d’ici là.

Un œil sur l’appel d’offres d’Ottawa

D’abord, elle fournit des pièces aux trois modèles d’avions de chasse encore en lice pour obtenir une commande évaluée à environ 19 milliards de dollars pour le remplacement des vieux F-18 canadiens : le chasseur Gripen, le F-18 de Boeing (train d’atterrissage) et le F-35 de Lockheed (actuateurs de porte de train d’atterrissage).

Les critères édictés par le gouvernement canadien obligeront par ailleurs le vainqueur de cet appel d’offres à investir une somme équivalente au Canada, ce qui créera des occasions pour tous les fournisseurs canadiens, dont Héroux-Devtek.

Cette dernière pourrait aussi, à plus long terme, profiter de la vague de consolidation qui a récemment frappé l’industrie aéronautique pour faire des gains dans d’éventuels nouveaux programmes. Les acquisitions récentes, par United Technologies, des géants Rockwell Collins et Raytheon ont créé un « super-fournisseur » dont certains avionneurs pourraient avoir peur. La filiale Goodrich de United Technologies est un concurrent d’Héroux-Devtek dans le marché des trains d’atterrissage.

« Les “super-fournisseurs”, ça a créé des opportunités pour nous dans le passé », rappelle M. Brassard. C’est notamment l’une des raisons pour lesquelles, en 2013, Boeing a surpris le monde de l’aéronautique en confiant la production du train d’atterrissage du 777 à la petite Héroux-Devtek.

« Ils voulaient qu’il y ait de la compétition », note-t-il.

Prête à se défendre

Héroux-Devtek a participé à cette vague de consolidation à sa façon, en réalisant quatre acquisitions au cours des derniers mois. Sa capitalisation boursière d’environ 730 millions de dollars à l’heure actuelle la laisse encore loin derrière les deux entreprises qui la devancent dans le marché des trains d’atterrissage, United Technologies (154 milliards) et Safran (93 milliards).

« Éventuellement, on pourrait être une cible, reconnaît M. Brassard. Est-ce qu’on va dire oui ? Ça, c’est autre chose. »

Environ 75 % des actions de l’entreprise sont entre les mains d’une vingtaine d’investisseurs, dont la Caisse de dépôt (13,2 %), la direction (11,5 %), le Fonds de solidarité FTQ (10,1 %) et Fiera Capital (9,9 %), rappelle-t-il.

« On est équipés pour se défendre contre une offre hostile, c’est sûr. On est plus en mode acquisition. »