La rencontre de conciliation qui avait été convoquée entre la direction d'ABI et le syndicat des Métallos, mercredi, dans le cadre du lock-out qui sévit à l'aluminerie depuis près de 15 mois, n'a abouti à rien. Et le syndicat des Métallos blâme le premier ministre François Legault pour cet échec.

« La direction est arrivée avec le torse bombé » à cause des propos de M. Legault, a critiqué au cours d'une entrevue avec La Presse canadienne l'adjoint au directeur québécois du syndicat des Métallos, affilié à la FTQ, Dominic Lemieux. « C'est sûr qu'on le voit responsable » de l'échec de la rencontre.

Clément Masse, président du syndicat local, a renchéri : « le premier ministre a donné son appui à l'employeur, puis ça fait qu'aujourd'hui on est dans une impasse au niveau de la négociation. On a un employeur qui est conforté avec les propos du premier ministre. On a un employeur qui a un avantage évident sur nous, en raison de la clause de cas de force majeure dans son contrat avec Hydro-Québec ».

Rejet

La semaine dernière, le médiateur affecté au dossier, Jean Nolin, avait convoqué les parties pour une énième rencontre mercredi.

La direction de l'Aluminerie de Bécancour a alors fait savoir qu'elle rejetait la contre-proposition du syndicat déposée le 21 mars, même si celui-ci acceptait alors la suppression de 103 postes, en plus de renoncer au régime de retraite à prestations déterminées - où le risque financier est assumé par l'employeur - pour un régime de retraite à financement salarial - où le risque est assumé par les travailleurs.

Deux jours avant cette rencontre de conciliation, soit lundi dernier, le premier ministre avait rencontré séparément et privément la partie syndicale - FTQ, syndicat des Métallos et syndicat local - et la partie patronale.

Depuis, le premier ministre a fait des déclarations publiques critiquant seulement le syndicat. Mercredi encore, il en a rajouté. « Les demandes syndicales ne sont pas raisonnables. Je trouve qu'actuellement, on joue avec le feu. »

Le syndicat réplique que ce n'est pas lui qui est en demande, mais que c'est plutôt l'employeur qui a formulé des demandes de concessions de la part des travailleurs. Et les salaires ne sont pas un enjeu problématique dans ce conflit.

Boulet tempère

Diplomate, le ministre du Travail Jean Boulet a tenté de redonner espoir, en affirmant que la direction d'ABI n'avait pas complètement fermé la porte.

Il a aussi défendu le premier ministre, en soulignant qu'il n'avait jamais critiqué les travailleurs, qu'il n'avait voulu qu'énoncer des faits, à savoir les conditions de travail avantageuses dont ils jouissent. Le premier ministre Legault, dit le ministre Boulet, « est conscient que les deux parties doivent faire des concessions ».

Et lui qui avait aussi assisté aux deux rencontres distinctes de M. Legault avec les parties patronale et syndicale, lundi, assure que « la pression, on en a mis tant du côté de l'employeur que de la partie syndicale ».

ABI explique

De son côté, la direction d'ABI a expliqué son rejet de la contre-proposition syndicale en affirmant qu'elle ne touche pas à cinq points qui lui semblent cruciaux.

Premièrement, la direction d'ABI veut réorganiser le travail pour obtenir plus de flexibilité de la part des travailleurs.

Deuxièmement, elle veut « mettre en place des processus permanents qui assureront que les employés expérimentés demeureront disponibles à des postes précis », ce qui réduira « les cascades de permutations internes qui limitent la productivité ».

Troisièmement, elle tient à réduire l'absentéisme.

Quatrièmement, elle veut limiter le nombre d'heures annuelles de libération pour activités syndicales.

Cinquièmement, elle veut établir à 12 % sa contribution au régime de retraite.

Contrat d'électricité

Le syndicat martèle qu'il s'attendait à plus de la part du premier ministre, d'autant plus que le conflit a coûté environ 200 millions à Hydro-Québec parce qu'ABI n'a pas acheté la totalité de l'électricité qu'elle s'était engagée par contrat à acheter. Elle s'est ainsi prévalue de la clause de cas de force majeure à son contrat - Act of God. Le lock-out y est considéré comme un cas de force majeure.

Le syndicat des Métallos affirme que ce contrat déséquilibre le rapport de forces en faveur de l'employeur, qui n'a plus intérêt à abréger le conflit. Dominic Lemieux invite à imaginer l'inverse : si Hydro payait l'hypothèque et l'épicerie des travailleurs, « avec une tape dans le dos de la part du premier ministre », est-ce que le syndicat aurait intérêt à abréger le conflit ?

Le premier ministre Legault lui-même a qualifié de « stuff de junior » ce contrat, négocié par le précédent gouvernement libéral, qui permet à l'aluminerie de se soustraire de ses obligations au contrat d'électricité si elle décrète un lock-out.

Mercredi, M. Legault a évoqué pour la première fois la possibilité qu'à l'avenir, « les contrats d'Hydro-Québec devraient être signés pour la même période que les conventions collectives ».

Reste que maintenant, les parties se retrouvent dans un cul-de-sac.