Alors que SNC-Lavalin est mêlée à des controverses politiques au Canada ainsi qu'à l'étranger, la firme d'ingénierie abaisse une fois de plus de façon significative ses prévisions de bénéfices pour l'exercice 2018, ce qui a fait plonger son action à un creux d'environ 10 ans.

Cette révision négative de plus de 40 % a été dévoilée lundi par la multinationale, qui a cité un projet minier non identifié en Amérique latine, comme elle l'avait fait dans sa révision précédente, le 28 janvier.

« Les défis découlent des conditions difficiles du site, des mesures de sécurité et de protection de l'environnement plus importantes que prévu ainsi que de la sous-performance des sous-traitants », a-t-elle indiqué, par voie de communiqué.

Selon plusieurs analystes, le projet jugé problématique se trouve au Chili et fait partie d'un contrat obtenu en 2016 auprès de la société d'État Codelco - l'un des plus importants producteurs de cuivre au monde.

La nouvelle a été mal accueillie par les investisseurs puisqu'à la Bourse de Toronto, l'action de la firme a abandonné 2,71 $, ou 7,38 %, pour clôturer à 34 $, soit son plus bas niveau depuis avril 2009.

Elle a été dévoilée quelques heures avant que le commissaire fédéral aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mario Dion, décide de se pencher sur les allégations d'ingérence politique dans le dossier de SNC-Lavalin. Le Globe and Mail a avancé, la semaine dernière, que le bureau du premier ministre Justin Trudeau avait fait pression sur l'ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould afin que les procureurs fédéraux négocient un accord de poursuite suspendue avec la firme pour lui éviter un procès - une requête à laquelle elle aurait refusé d'accéder.

SNC-Lavalin compte se tourner vers un processus d'arbitrage accéléré afin de régler ce différend au Chili. Elle estime pouvoir « récupérer des montants importants », affirmant que ce dossier est « isolé et non récurrent ».

Néanmoins, ce projet - qui devrait être achevé dans la deuxième moitié de l'année - fait en sorte que la perte d'exploitation de la division mines et métallurgie pourrait atteindre 350 millions au quatrième trimestre.

SNC-Lavalin affirme que l'impact négatif sera plus important qu'anticipé parce qu'elle ne peut s'entendre avec son client à temps afin de pouvoir comptabiliser les revenus dans ses résultats de 2018.

« [La nouvelle révision à la baisse] va continuer à peser sur la crédibilité de la direction, à notre avis », a commenté l'analyste Derek Spronck, de RBC Marchés des capitaux, dans une note envoyée par courriel.

Révisions et controverses

En 2018, le bénéfice ajusté par action du secteur de l'ingénierie et de la construction devrait osciller entre 20 cents et 35 cents, en forte baisse par rapport aux prévisions déjà réduites du 28 janvier ciblant un profit allant de 1,15 $ à 1,30 $.

Pour l'entreprise dans son ensemble, le bénéfice ajusté par action devrait varier entre 1,20 $ et 1,35 $, ce qui constitue une baisse de 44 % par rapport à la prévision révisée d'il y a deux semaines.

« Nous croyons que les récentes nouvelles négatives, et plus spécifiquement des changements des perspectives dans un court laps de temps, vont inciter les investisseurs à demeurer sur les lignes de côté », a écrit Mona Nazir, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, dans une note.

L'analyste a rappelé que SNC-Lavalin n'était toujours pas capable de conclure une entente au Canada afin de faire tomber les accusations criminelles qui pèsent sur elle et qu'elle était confrontée à de l'instabilité en Arabie saoudite. Une condamnation en sol canadien pourrait empêcher l'entreprise de soumissionner sur des contrats fédéraux pour une période pouvant s'étirer sur 10 ans.

Après avoir tempéré l'impact des tensions diplomatiques entre le Canada et l'Arabie saoudite en novembre, le président et chef de la direction de SNC-Lavalin, Neil Bruce, a changé son fusil d'épaule le mois dernier.

Citant la querelle, M. Bruce avait concédé qu'il était de plus en plus difficile de décrocher de nouveaux contrats dans ce pays du Moyen-Orient - un marché clé pour le secteur pétrolier et gazier de la compagnie.

Une pause

À la lumière des nouveaux problèmes dévoilés, SNC-Lavalin a décidé que son secteur d'ingénierie et de construction cesserait de soumissionner sur des projets miniers jusqu'à nouvel ordre.

La firme a également dit se pencher sur la structure de gestion de son secteur mines et métallurgie. Elle a aussi demandé à son chef de l'exploitation, Ian Edwards, de « veiller personnellement » à renforcer l'équipe locale du projet problématique en Amérique latine.

Par ailleurs, l'entreprise a dévoilé ses perspectives initiales pour 2019, ciblant un profit ajusté par action variant entre 2,00 $ et 2,20 $ pour sa division l'ingénierie et de la construction. Cette cible est légèrement inférieure au consensus de 2,25 $ par action, d'après Mme Nazir.

SNC-Lavalin doit dévoiler ses résultats du quatrième trimestre et de l'exercice 2018 le 22 février.

Note aux lecteurs : Version corrigée. Pour l'ensemble de SNC-Lavalin, le bénéfice ajusté par action devrait varier entre 1,20 $ et 1,35 $, ce qui constitue une baisse de 44 % par rapport à il y a deux semaines. Les prévisions étaient répétées par erreur dans une version précédente.