(Montréal) Groupe Mach a toujours les yeux sur Transat A. T. et n’a pas l’intention de lâcher le morceau : le groupe immobilier propose d’acheter 19,5 % des actions du voyagiste dans le but de bloquer l’offre d’achat d’Air Canada.

Dans le cadre de son offre dévoilée vendredi, en fin d’après-midi, l’entreprise dirigée par Vincent Chiara offre 14 $ en espèces et souhaite acquérir « au moins » 6,9 millions d’actions de catégories B de la société mère d’Air Transat, ce qui lui coûterait 97 millions. Cette offre est valide jusqu’au mardi 13 août, à 17 h.

« Je pense que l’offre d’Air Canada est malsaine, a affirmé M. Chiara, au cours d’un entretien téléphonique avec La Presse canadienne. Je pense que le conseil de Transat a mal géré le processus et que c’est une mauvaise transaction. »

Avec une telle participation, le groupe immobilier serait tout juste sous le seuil de 20 % qui déclenche le régime de droits des actionnaires de Transat A. T., dont le but est d’offrir une protection à une offre non sollicitée.

La nouvelle stratégie du groupe immobilier québécois a fait grimper le cours de l’action du voyagiste québécois, qui a pris vendredi 3,81 %, ou 44 cents, pour clôturer à 11,99 $, à la Bourse de Toronto.

Transat A. T. n’avait pas étudié l’offre de 14 $ par action de Mach, préférant se tourner vers Air Canada, qui propose 13 $ par action, soit 520 millions. Un vote est prévu le 23 août sur la transaction, qui doit obtenir l’appui d’au moins les deux tiers des actionnaires du voyagiste afin d’aller de l’avant. Le regroupement sera également scruté par les autorités réglementaires, dont Transports Canada et le Bureau de la concurrence.

Letko, Brosseau et associés, plus important actionnaire de Transat A. T. avec une participation légèrement inférieure à 20 %, et Penderfund Capital, qui détient 3,1 % des actions, ont déjà dit que l’offre d’Air Canada n’était pas assez élevée.

Deuxième actionnaire en importance avec une participation de 11,56 %, le Fonds de solidarité FTQ ne s’est pas prononcé publiquement, à l’instar de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui possède une participation de 5,84 %.

« J’ai discuté avec des actionnaires importants (de Transat) et on a un appui (dans notre démarche) », a dit M. Chiara, qui n’est toutefois pas allé jusqu’à nommer ces actionnaires.

Par courriel, un porte-parole de Transat A. T., Christophe Hennebelle, a indiqué que le comité spécial du conseil de l’entreprise allait examiner les modalités de l’offre de Mach avant de faire une recommandation aux actionnaires. Il a enjoint les porteurs de titres à ne pas déposer leurs actions et de ne prendre « aucune mesure » d’ici là.

Vendredi, en fin d’après-midi, Air Canada n’avait pas commenté la sortie de Mach.

Mach s’est également engagé à ne pas présenter de proposition supérieure à celle d’Air Canada « tant que le conseil actuel de Transat est en place ». Interrogé, M. Chiara n’a pas voulu dire s’il souhaitait remplacer les administrateurs du voyagiste dans l’éventualité où il réussirait à bloquer la transaction avec Air Canada.

Le dirigeant de Mach a assuré que sa proposition dévoilée vendredi était entièrement financée.

Dans la circulaire de sollicitation envoyée à ses actionnaires en vue du vote prévu le 23 août, Transat A. T. avait soulevé des doutes à l’endroit de la capacité du groupe immobilier à respecter ses engagements, notamment en matière de financement.

« Nous allons rectifier cela en temps et lieu, a répondu M. Chiara, lorsqu’interrogé sur le contenu du document. On n’a pas l’intention de laisser ça mort, soyez assuré. Des gens chez Transat ont tenu des propos en sachant qu’ils étaient inexacts. »

Dans le cadre de son offre, Air Canada dit avoir l’intention de préserver les marques Transat et Air Transat et de maintenir le siège social montréalais du voyagiste québécois, qui compte quelque 5000 employés. On ne retrouve toutefois aucun engagement ferme à cet effet dans les documents déposés auprès des autorités réglementaires.

Si Transat A. T. accepte une offre concurrente, une indemnité de 15 millions devrait être versée à Air Canada, qui aura néanmoins cinq jours pour égaler une proposition plus élevée. Si la transaction ne va pas de l’avant, Air Canada devra payer une indemnité de rupture pouvant atteindre 40 millions.

Chronologie de la vente de Transat A. T.

— 30 avril : Avant la tenue de son assemblée annuelle des actionnaires, l’entreprise annonce discuter avec plusieurs joueurs dans le cadre d’un processus qui pourrait mener à sa vente.

— 16 mai : Air Canada et Transat A. T. annoncent la signature d’une entente d’exclusivité pouvant mener à une transaction. Air Canada offre 13 $ pour chaque action de Transat A. T., ce qui représente environ 520 millions.

— 4 juin : Un nouveau joueur s’invite alors que Groupe Mach propose d’offrir 14 $ pour chaque action du voyagiste. Le groupe immobilier demande une aide de 120 millions au gouvernement Legault.

— 14 juin : Groupe Mach confirme le dépôt d’une proposition formelle au conseil d’administration de Transat A. T. même si le voyagiste doit continuer à négocier exclusivement avec Air Canada.

— 25 juin : Une offre amendée est transmise par Groupe Mach, qui renonce notamment à sa demande d’une aide financière de la part de Québec.

— 26 juin : Dernière journée de la fenêtre de 30 jours où Air Canada et Transat A. T. négociaient de façon exclusive.

— 27 juin : Transat A. T. annonce avoir accepté l’offre d’Air Canada.

— 4 juillet : Groupe Mach ne s’estime plus dans la course en vue de l’acquisition du voyagiste.

— 2 août : Le promoteur immobilier revient à la charge avec une nouvelle stratégie en proposant d’acquérir 19,5 % des actions de Transat A. T. dans le but de bloquer l’offre d’Air Canada.