SNC-Lavalin a un nouveau patron, l’ancien chef de l’exploitation Ian Edwards, et ce n’est pas pour suivre les traces de son prédécesseur Neil Bruce. Nommé de façon intérimaire, M. Edwards reçoit d’entrée de jeu le mandat de « procéder rapidement à une revue de la direction stratégique de l’entreprise ». Plusieurs analystes prévoient même un délestage important dans l’entreprise. 

Le changement de garde a été accueilli avec joie par les investisseurs, qui ont fait grimper le titre de l’entreprise de près de 7 % hier à la Bourse de Toronto, pour clôturer à 25,35 $.

M. Edwards occupait depuis janvier dernier le poste de chef de l’exploitation, où il a « dirigé la mise en œuvre de l’initiative visant à simplifier l’entreprise, se concentrer sur les compétences et accroître les activités de façon responsable », selon le communiqué publié hier par l’entreprise. Originaire d’Angleterre, M. Edwards réside à Montréal depuis qu’il a été embauché par SNC, en 2014.

M. Edwards se consacrera pendant les 60 prochains jours à une série de rencontres avec les diverses parties prenantes de l’entreprise.

« Nous croyons que la nomination d’un nouveau président et chef de la direction était en quelque sorte prévisible, considérant la performance financière et opérationnelle de SNC depuis le début de l’année. » — Benoit Poirier, analyste chez Desjardins

L’action de SNC a perdu près de la moitié de sa valeur depuis le début de l’année. Son incapacité à obtenir du gouvernement fédéral la négociation d’un accord de réparation qui aurait mis fin à des procédures criminelles à son endroit a fait la manchette et ébranlé le premier ministre Justin Trudeau.

Mais, surtout, l’entreprise a déçu les investisseurs par deux fois, coup sur coup, entre la fin de janvier et la mi-février en révisant chaque fois à la baisse ses perspectives financières, évoquant des problèmes importants avec un contrat minier en Amérique du Sud et la difficulté d’obtenir de nouveaux contrats en Arabie saoudite en raison du contexte politique tendu entre ce pays et le Canada.

GRAPHIQUE FOURNI PAR THOMSON REUTERS

Pas d’indemnité

M. Bruce a quitté son poste dès hier, officiellement pour retourner auprès de sa famille au Royaume-Uni. Il continuera d’appuyer le conseil d’administration à titre de conseiller jusqu’à la fin de l’année.

Le Journal de Montréal avait dévoilé, en mars dernier, qu’il avait vendu sa demeure de Montréal et que sa conjointe prévoyait quitter le pays. L’entreprise avait alors assuré que M. Bruce était néanmoins à la recherche d’une nouvelle demeure dans les environs.

En prenant sa retraite, M. Bruce laisse selon toute vraisemblance quelques millions de dollars sur la table.

Il ne touchera pas d’indemnité de départ, mais pourra quand même encaisser des titres qui lui avaient déjà été accordés dans le cadre de sa rémunération. S’il avait pris sa retraite le 31 décembre dernier, cet encaissement lui aurait rapporté environ 4,47 millions, selon la plus récente circulaire de direction de l’entreprise. L’action de SNC s’échangeait alors toutefois à 45,92 $, près du double de son prix actuel.

Un départ forcé à la même date lui aurait rapporté près de 10 millions de plus, toujours selon la circulaire. Les montants exacts encaissés par M. Bruce ne seront rendus publics qu’au moment de la prochaine circulaire de direction, au printemps prochain.

SNC-Lavalin a refusé toutes les demandes d’entrevue avec ses dirigeants.

Vers un délestage ?

Même si sa nomination est officiellement intérimaire, M. Edwards hérite d’un mandat déterminant pour la suite de l’entreprise. Il devra mettre sur pied « rapidement » un plan visant à « réduire les risques, simplifier [le] modèle d’affaires et générer des revenus et flux de trésorerie constants » pour SNC.

L’analyste Maxim Sytchev, de la Financière Banque Nationale, avait justement élaboré les bases d’un tel plan, dans une note publiée lundi. Selon lui, l’avenir de SNC passe inévitablement par une vente des activités de l’entreprise dans les domaines des infrastructures et des ressources naturelles, pour s’appuyer uniquement sur ses meilleurs atouts, l’ingénierie, le design et la gestion de projets, ainsi que le secteur nucléaire.

Derek Spronck, de RBC, croit lui aussi qu’un tel délestage est dans les plans.

« Nous croyons que l’annonce d’une révision stratégique augmente la possibilité que SNC explore la vente d’activités de construction d’infrastructures et ses segments reliés aux ressources, dans un effort de dégager de la valeur et se repositionner comme une firme purement de design. » — Extrait d’une communication de Derek Spronck, de RBC, à ses clients

Si SNC décidait de rester inscrite en Bourse, M. Sytchev estime que l’entreprise pourrait utiliser les quelque 1,3 milliard que cette vente rapporterait pour procéder à des acquisitions, notamment aux États-Unis et dans les domaines de la cybersécurité, du traitement des eaux et des services environnementaux.

Selon M. Sytchev, SNC pourrait aussi décider de fermer son capital et sortir de la Bourse. L’acquéreur devrait alors offrir, selon lui, environ 38 $ par action pour convaincre suffisamment d’actionnaires de céder leurs titres. En revendant les divisions d’infrastructures et de ressources après coup, une fermeture du capital pourrait être profitable à la fois pour les actionnaires actuels et l’acheteur, calcule-t-il.