L'annulation en 2015 du développement de l'avion d'affaires Learjet 85 de Bombardier a causé des pertes à au moins un de ses fournisseurs, Thales Canada, qui lui réclame un peu plus de 31 millions de dollars dans une poursuite déposée récemment au palais de justice de Montréal.

Thales a signé en juin 2008 un contrat en vertu duquel elle s'engageait à produire un système de contrôle des surfaces (spoiler control system) pour ce nouvel avion d'affaires, dont le lancement avait été annoncé en 2007 par Bombardier. Le prix de chacune des unités a d'abord été fixé à 68 890 $US, avant d'être révisé à 78 000 $US.

La structure financière intégrée au contrat prévoyait un remboursement par Bombardier ou sa filiale à part entière Learjet d'une partie des coûts de développement de ces pièces, le reste devant être récupéré par Thales au fur et à mesure des ventes de ces unités.

Or Thales n'a jamais pu effectuer la moindre vente de ce produit conçu sur mesure, puisque le programme a été suspendu en janvier 2015, puis formellement annulé en octobre de la même année.

Les paiements reçus de Bombardier totalisent 11,9 millions, pour un écart d'environ 31 millions.

Selon Thales, si le contrat donnait bel et bien la possibilité à Bombardier de mettre fin au contrat unilatéralement, les motifs invoqués sont invraisemblables.

Plutôt que d'invoquer une résiliation pure et simple, qui l'aurait exposée à rembourser ces frais, Bombardier a invoqué une clause à propos d'un « manque de ventes » de l'avion, ce qui lui permettait de se retirer sans autre forme de compensation.

POUR LA C SERIES ?

Selon Thales, « il va de soi qu'on ne peut invoquer [cette clause] que dans le cadre d'une chute réelle et drastique du marché dans son ensemble et face à une réelle impossibilité de vendre l'avion ».

« On ne saurait invoquer une telle clause à la légère pour supporter une décision unilatérale d'abandonner le Programme pour se tourner vers d'autres projets au détriment des fournisseurs. C'est pourtant ce que les défenderesses tentent de faire », ajoute Thales.

Le demandeur estime plutôt que la suppression du programme découle « d'un choix d'affaires unilatéral de Bombardier de consacrer son temps et ses ressources à d'autres programmes avioniques, dont le C Series ».

L'entreprise estime avoir été bernée par Bombardier, puisqu'un « manque de ventes » ne pouvait apparaître « de manière soudaine et précipitée ». Or, à peine quatre mois avant l'annonce de la suspension, Bombardier avait revu à la hausse ses prévisions de ventes de Learjet 85, qui sont passées de 800 à 1050 avions.

42,9 MILLIONS CAN

Dépenses que Thales estime avoir engagées, essentiellement en main-d'oeuvre et auprès de ses propres fournisseurs 

- Avec Louis-Samuel Perron, La Presse