Delta Air Lines affirme que la dispute commerciale entre Bombardier et Boeing pourrait retarder les livraisons d'avions de la CSeries prévues l'an prochain, mais le transporteur ne s'attend pas à devoir payer les tarifs punitifs de 300 % récemment imposés par Washington.

«Soyons clair, nous n'allons pas payer ces tarifs», a affirmé le président et chef de la direction de Delta, Ed Bastian, mercredi, au cours d'une conférence téléphonique visant à discuter des résultats du troisième trimestre.

Interrogé par les analystes, celui-ci s'est montré déçu des décisions du département américain du Commerce, qui, à son avis, ne sont pas logiques. Le grand patron de Delta a ajouté que ce dossier, qui a d'importantes ramifications politiques, allait continuer d'évoluer.

Le patron de Delta a affirmé que la famille d'avions commerciaux de la multinationale québécoise devait avoir accès au marché américain - le plus grand marché de transport aérien au monde.

«Nous avons l'intention de prendre livraison de l'avion, a-t-il dit. Je ne peux pas vous dire comment tout se fera. Il pourrait y avoir un retard avant de pouvoir obtenir l'avion et nous travaillons avec Bombardier, qui est un excellent partenaire.»

Selon M. Bastian, le transporteur établi à Atlanta sera en mesure d'obtenir ses avions «au prix convenu du contrat» avec Bombardier.

«Nous n'allons pas être forcés de payer des tarifs, a-t-il affirmé. Nos investisseurs ne devraient pas s'inquiéter.»

En avril 2016, Delta avait confirmé l'achat de 75 appareils CS100, une commande dont la valeur, selon les prix du catalogue, est estimée à 5,6 milliards US. Plusieurs analystes affirment que le transporteur américain a bénéficié d'un important rabais. Cette commande était aussi assortie d'options pour 50 avions supplémentaires. Les premières livraisons doivent débuter au printemps.

Bombardier n'a pas voulu commenter sur l'échéancier entourant la livraison des CSeries à Delta, affirmant qu'il s'agissait de «détails commerciaux confidentiels», a expliqué par courriel un porte-parole, Simon Letendre.

Celui-ci a rappelé l'engagement du transporteur aérien à l'endroit de la famille d'appareils commerciaux de l'avionneur québécois, ajoutant que les récentes décisions de Washington étaient préliminaires.

«Elles n'entreront en vigueur que si elles sont confirmées par la Commission du commerce international des États-Unis, a indiqué M. Letendre. Nous demeurons confiants que la Commission tirera les conclusions qui s'imposent, considérant que Boeing n'était pas dans la course pour remporter la commande de Delta et n'a subi aucun préjudice.»

Opération séduction de Boeing

Cette sortie de M. Bastian survenait au lendemain du lancement par Boeing d'une campagne de relations publiques à la télévision, à la radio et sur des plateformes numériques afin de rappeler aux Canadiens l'ampleur de sa contribution à l'économie du pays.

La directrice générale de Boeing Canada, Kim Westenskow, a expliqué que la compagnie contribuait au développement et à la croissance économique du Canada à hauteur d'environ 4 milliards $ chaque année. Cela représenterait près de 14 % de tout l'impact aéronautique du pays.

En raison des démarches de Boeing, le gouvernement Trudeau menace d'abandonner son intention d'acheter 18 avions de combat Super Hornet du géant américain pour remplacer ses CF-18 vieillissants.

Boeing dit faire affaire avec 560 fournisseurs canadiens qui génèrent 17 500 emplois, en plus des 2000 employés qui composent sa propre main d'oeuvre.

«Aujourd'hui, Boeing est le plus important fabricant de produits aérospatiaux non canadiens au Canada», a souligné Mme Westenskow.

La semaine dernière, Bombardier avait accusé l'administration Trump d'exagération dans sa décision d'appuyer Boeing dans sa croisade pour exclure les avions commerciaux de la CSeries du plus grand marché de transport aérien au monde en quadruplant le prix de chaque appareil vendu aux États-Unis.

Le département du Commerce avait ajouté un droit antidumping de 79,82 % aux droits compensatoires de 219,63 % annoncés en septembre.

Bombardier a fait valoir à plusieurs reprises que les Américains seraient touchés par les tarifs parce que plus de la moitié des pièces des appareils de la CSeries sont produites par des fournisseurs américains, incluant les moteurs de Pratt & Whitney. Le programme devrait générer plus de 30 milliards US en activités au cours de son existence, en plus de soutenir plus de 22 700 emplois américains dans 19 États.