Une dizaine de jours après avoir imposé des droits compensatoires temporaires de près de 220 % à l'importation d'avions de la C Series aux États-Unis, le département américain du Commerce vient d'ajouter des droits antidumping, toujours temporaires, de 79,82 %.

Au total, un transporteur aérien américain qui prendrait livraison d'un appareil de la C Series dans les prochains jours devrait le payer quatre fois son prix, si l'on tient compte de la pénalité totale de 299,45 %.

« Les États-Unis sont engagés envers un commerce libre, juste et réciproque avec le Canada, mais cela ne correspond pas à notre vision d'une relation commerciale fonctionnelle », a déclaré le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, dans un communiqué, faisant allusion aux pratiques alléguées de Bombardier.

Ces pénalités sont toutefois théoriques pour l'instant. Elles ne sont payables qu'au moment de la livraison de l'appareil. Or, la première livraison à un client américain, Delta Air Lines, n'est pas prévue avant avril 2018. D'ici là, la Commission du commerce international (ITC), un autre organisme américain, aura eu le temps de rendre un verdict final qui pourrait revoir ces pénalités à la baisse, voire les annuler.

Contrairement au département du Commerce, l'ITC devra déterminer si Boeing a subi des dommages lorsque Delta a passé une commande à Bombardier pour 75 appareils CS100. Boeing n'offre aucun appareil de la même taille.

Le taux de 79,82 % correspond à celui exigé par Boeing dans sa plainte auprès des autorités américaines (voir le tableau).

L'entreprise avait ensuite augmenté sa requête à 143,35 %, arguant du refus de Bombardier de soumettre certaines informations. Dans son communiqué, le département du Commerce ne fait pas allusion à cette deuxième demande et explique avoir choisi la première puisqu'il s'agissait du seul calcul disponible, en l'absence d'une défense de Bombardier sur ce point.

Selon Bombardier, il lui était impossible de fournir des données sur les coûts de production des avions qui seront livrés à Delta, ceux-ci n'ayant pas encore été produits.

Retour au prix courant

Coïncidence ou non, le total des deux pénalités calculées par le département du Commerce ramène les avions vendus à Delta de leur prix au rabais calculé par Boeing (19,6 millions US) à leur prix courant affiché d'environ 80 millions US.

« Le département du Commerce a affirmé l'ampleur avec laquelle Bombardier s'est livrée au dumping en vendant ses avions de la C Series aux États-Unis des millions de dollars en deçà de leur coût de production, dans un effort illégal pour s'emparer de parts de marché dans le marché américain des avions monocouloirs », s'est réjouie Boeing dans un communiqué.

« Les programmes d'avions commerciaux requièrent des milliards de dollars d'investissement initial et prennent des années pour offrir un rendement sur cet investissement », a pour sa part réagi Bombardier.

« En limitant son enquête antidumping à une courte période de 12 mois correspondant au tout début du programme C Series, l'approche du département du Commerce aurait inévitablement produit des résultats complètement faussés. » - Bombardier

« Nous demeurons confiants qu'à la fin du processus, la Commission du commerce international des États-Unis tirera les conclusions qui s'imposent, c'est-à-dire que les avions C Series contribuent positivement à l'industrie aéronautique américaine et que Boeing n'a subi aucun préjudice. Il y a un large consensus sur ce point au sein de l'industrie. »

Selon des données publiées jeudi par l'agence Reuters, Bombardier aurait dépensé 2,4 milliards US aux États-Unis l'an dernier, faisant affaire avec environ 800 fournisseurs répartis dans tous les États sauf trois.

La décision n'a pas eu d'impact significatif sur l'action de Bombardier, qui a terminé la journée à 2,21 $, en hausse de 0,91 %.

« Nous croyons que les droits compensatoires annoncés le 26 septembre avaient déjà remis en question la faisabilité d'achats d'appareils de la C Series par des transporteurs américains, dont Delta », a expliqué l'analyste Walter Spracklin, de RBC Marchés des Capitaux, dans une note.

« Nous croyons encore que la décision de l'ITC au début de l'année prochaine, et son impact sur la décision de Delta d'incorporer la C Series à sa flotte, est l'élément clé. Dans l'intérim, nous nous attendons à ce qu'il y ait un nuage noir au-dessus de l'action. »