La vague de contestation provoquée par les politiques de gouvernance chez Bombardier trouve écho jusque parmi les actionnaires américains du constructeur d'avions et de trains.

En vue de l'assemblée annuelle prévue jeudi, à Dorval, le régime de retraite des fonctionnaires de la Californie, le fonds de retraite des enseignants californiens ainsi qu'une autre institution floridienne (Florida State Board of Administration) ont tous voté contre la politique de rémunération à l'origine de la controverse provoquée par les hausses de rémunération.

Toutefois, seule la caisse de retraite des enseignants californiens qui a décidé d'imiter plusieurs investisseurs canadiens en s'abstenant de voter pour la réélection de Pierre Beaudoin à la présidence du conseil d'administration. En fait, cet actionnaire n'appuie que les deux nouveaux candidats - Pierre Marcouiller et Antony Tyler - qui tentent d'accéder au conseil.

Le Florida State Board of Administration a dit s'être inspiré entre autres des firmes de conseils aux actionnaires Glass Lewis et Institutional Shareholder Services (ISS), qui, dans des rapports distincts, ont émis des réserves sur la rémunération chez Bombardier.

«Nous avions aussi des préoccupations en ce qui a trait à la divulgation, a expliqué son spécialiste de la gouvernance, Michael McCauley, au cours d'un entretien téléphonique.

L'institution a voté avant la sortie de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) plus tôt cette semaine et n'a pas discuté avec le bas de laine des Québécois, a précisé M. McCauley. Cet actionnaire floridien a voté pour tous les membres du conseil, ce qui pourrait changer, a prévenu son spécialiste de la gouvernance, précisant que la rémunération était «le reflet du conseil d'administration».

Par courriel, le régime de retraite des fonctionnaires de la Californie a dit s'être opposé aux salaires des dirigeants de la société québécoise en disant être «préoccupé par la structure de rémunération et une divulgation déficiente». La caisse de retraite des enseignants californiens n'a pas répondu aux questions envoyées par La Presse canadienne.

Au terme de l'exercice 2016, ces actionnaires - dont les actifs sous gestion totalisent 711 milliards US - détenaient au total 14,5 millions d'actions de catégories A et B du constructeur québécois d'avions et de trains.

En raison de la pression populaire, Bombardier avait repoussé d'un an, soit jusqu'en 2020, certains paiements qui devaient être versés à compter de 2019 à ses six plus hauts dirigeants. Initialement, leur rémunération globale devait totaliser 32,6 millions, ce qui représentait une augmentation de 50 % sur un an.

Par ailleurs, au nord de la frontière, le plus important investisseur institutionnel canadien a joint sa voix à ceux qui souhaitent que M. Beaudoin ne dirige plus le conseil d'administration et qui s'opposent à la rémunération des membres de la haute direction.

À la veille d'une assemblée qui s'annonce houleuse, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada (OIRPC) a fait savoir qu'il imitait la CDPQ, le Fonds de solidarité FTQ, le Régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers) ainsi que la corporation d'investissement et de gestion de la Colombie-Britannique.

L'OIRPC - dont l'actif net s'élevait à 298,1 milliards au 31 décembre - s'est également abstenu de voter pour la réélection de l'ex-chef de la direction financière de Google Patrick Pichette ainsi que Vikram Pandit, un ancien grand patron de la Citigroup.

Un porte-parole de l'OIRPC a indiqué que la position de l'institution était conforme à sa politique en matière de vote par procuration, notamment en ce qui a trait à l'indépendance du président du conseil.

En date du 31 mars 2016, l'OIRPC - qui avait voté pour la politique de rémunération et pour la réélection de M. Beaudoin l'an dernier - détenait 8,3 millions d'actions de Bombardier.

En dépit du front commun des investisseurs institutionnels, l'entreprise a indiqué que M. Beaudoin était toujours candidat à sa réélection. Il sera difficile de faire plier la famille Beaudoin-Bombardier, qui, grâce aux actions à droit de vote multiple, contrôle 53,23 % des droits de vote même si elle ne détient qu'environ 13 % des titres en circulation.

L'an dernier, la résolution consultative non contraignante sur l'approche de l'entreprise en matière de rémunération des membres de la haute direction avait été appuyée dans une proportion de 96,06 % par les actionnaires.