Quatorze mois après avoir coupé de façon draconienne dans ses services, le transporteur par autocars Orléans Express n'a pas encore retrouvé le chemin de la rentabilité, mais il semble en voie de redresser la barre. Le rétablissement de services plus substantiels en Gaspésie, très touchée par les coupes de janvier 2015, ne pourra toutefois pas se faire sans l'injection de fonds publics.

C'est ce qu'ont fait valoir hier les dirigeants de la société mère d'Orléans, Keolis Canada, devant la Commission des transports du Québec, qui entreprenait une audience publique sur la performance financière de l'entreprise.

Pour 2015, première année du virage minceur d'Orléans Express, les pertes avant impôts ont été ramenées au même niveau environ qu'il y a deux ans, soit 3,6 millions, après le creux historique de 2014, qui s'était soldé par un manque à gagner de 5,3 millions.

« La perte pour 2015 reste considérable », a reconnu le président et chef des opérations de Keolis Canada, Patrick Gilloux, qui a précisé en entrevue que le « rétablissement complet » n'est pas envisageable avant 2017.

Pour maîtriser ses coûts, l'entreprise a notamment conclu une nouvelle convention collective, supprimé 35 postes de conducteurs, suspendu ses acquisitions de nouveaux autocars et diminué de 1400 annuellement le nombre de fois où elle doit dépêcher deux véhicules pour effectuer une liaison.

Surtout, elle a réduit de plus du quart la distance parcourue par ses autocars, grâce à l'élimination de parcours en Mauricie et dans les Bois-Francs et à la réduction marquée de la fréquence des départs et du nombre d'arrêts en Gaspésie, où tout le secteur de Percé n'est carrément plus desservi. Les autocars s'arrêtent désormais à Gaspé, du côté nord de la péninsule, et à Grande-Rivière, du côté sud.

Ces mesures ont permis d'augmenter de 20 % le revenu moyen au kilomètre dans l'ensemble du réseau et d'augmenter le taux d'occupation des autocars. Celui-ci a par exemple bondi de 50 % en Gaspésie, même si près de 30 000 passages de moins ont été enregistrés, une baisse de 40 %.

LA GASPÉSIE MOINS DESSERVIE

Keolis a voulu dissiper les craintes qu'elle abandonne carrément la Gaspésie, où le nombre d'arrêts est déjà passé de 88 à 16. « La Gaspésie, nous y sommes et nous voulons y rester », a dit M. Gilloux.

Mais pour que se matérialise la reprise de la desserte du tronçon Grande-Rivière-Gaspé - réclamée hier devant la CTQ par le maire de Gaspé et président de la Régie intermunicipale de transport Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (REGIM), Daniel Côté -, il faudra impérativement des fonds publics, selon M. Gilloux.

À Percé, Orléans Express a embarqué en moyenne 3,3 passagers par jour à l'été 2013 et en a débarqué à peine plus, selon des statistiques qu'il a déposées devant la CTQ. 

« Nous n'avons pas les moyens d'aller desservir demain Percé, sauf si ça devient un enjeu essentiel pour les collectivités locales et qu'elles sont prêtes à appuyer le retour de ce service. » - Patrick Gilloux, président et chef des opérations de Keolis Canada

La reprise de la desserte coûterait 60 000 $ pour la période estivale et 350 000 $ pour l'année complète, a-t-il fait valoir en entrevue. Devant la commission, il a souligné que d'autres régions, comme le Saguenay et l'Abitibi, avaient obtenu de Québec une aide financière pour assurer le maintien des services interurbains.

Pour l'instant, les trous dans la couverture d'Orléans Express en Gaspésie sont assurés par des navettes de la REGIM, qui conduisent les passagers depuis et vers les arrêts restants. Financées par un budget débloqué par Québec, ces navettes - des taxis et des minibus - ont coûté 270 000 $ l'an dernier, soit près de 100 $ par passage.

Outre le retour du service à Percé, la REGIM souhaiterait l'ajout d'un arrêt à New Richmond, dans la baie des Chaleurs. « Avec les coupes de services autorisées par la Commission des transports il y a un an, on est descendu en bas du minimum, a dit M. Côté. On vous demande de remonter ça au minimum. »

TARIFS FLEXIBLES

À la fin de janvier 2016, après plusieurs mois d'attente, Orléans Express a finalement lancé sa nouvelle plateforme commerciale. La réservation de billets est désormais obligatoire, mais des tarifs flexibles ont été introduits dans le corridor Montréal-Québec. Un aller simple peut coûter 25 $, 35 $ ou 50,90 $, selon la flexibilité recherchée et la disponibilité des places. Les premiers résultats semblent positifs : en février 2016, l'achalandage a augmenté de 11 % et les revenus de 4 % par rapport à la même période l'an dernier, tandis que le prix moyen du billet a baissé de 6,5 %.

UNE CONCURRENCE FÉROCE

L'industrie du transport interurbain par autocars reste en crise, a dit M. Gilloux, menacée par la concurrence de VIA Rail (« subventionné à hauteur de 45,89 $ sur le corridor Québec-Montréal-Ottawa »), des voitures individuelles (dont l'usage est susceptible d'être accru en raison de la baisse de 31 % en 18 mois du prix de l'essence) et surtout des services de covoiturage comme Amigo Express, que le président de Keolis Canada a passé de longues minutes, cas individuels à l'appui, à décrire. Certains conducteurs d'Amigo auraient embarqué au fil du temps près de 5000 passagers entre Québec et Montréal, pour des revenus de 100 000 $.