L'ex-PDG de Citigroup (C), Charles «Chuck» Prince, a dénoncé jeudi le rôle des agences de notation dans la crise financière et s'est excusé que les dirigeants de la banque américaine n'aient pas été plus «clairvoyants» pour l'éviter, lors d'une audition parlementaire.

La crise a été causée par la concordance de plusieurs facteurs, a estimé M. Prince dans ses propos liminaires.

«Une période de taux d'intérêt bas inhabituellement longue» a généré l'idée chez les investisseurs, les régulateurs et les agences de notation «qu'une période de faible risque généralisé s'était ouverte», a-t-il estimé devant la Commission d'enquête sur la crise financière (FCIC).

A cela s'est ajoutée l'envolée de la titrisation en raison de la très forte demande de produits financiers à haut rendement, avec un risque qui à l'époque était jugé faible, puis une politique gouvernementale encourageant la propriété immobilière.

D'où un bond des titres obligataires adossés à des prêts hypothécaires, et une titrisation de prêts de moins en moins bonne qualité, a argumenté M. Prince.

Selon lui, c'est l'abaissement «précipité» des notes jusqu'alors excellentes de certains titres obligataires par les agences de notation qui a déclenché un «gel généralisé des marchés de titres alors que les investisseurs ne savaient plus sur quelles normes (...) de risque s'appuyer, ou quelles institutions détenaient quel niveau de risque».

Pendant l'audition, M. Prince a souligné que «même Moody's», l'une des trois grandes agences de notation mondiales, jugeait aussi à l'époque que les titres obligataires garantis adossés à des prêts hypothécaires risqués («subprime») étaient relativement sûrs.

Celui qui a dirigé Citi de 2003 jusqu'en novembre 2007, avant le pic de la crise fin 2008, s'est dit «profondément désolé» que la direction de sa banque, lui compris, n'ait pas été plus «clairvoyante» pour éviter les pertes.

L'exposition de Citigroup à de tels titres obligataires a entraîné des dépréciations massives, des pertes abyssales, et un plan de sauvetage gouvernemental de 45 milliards de dollars, aujourd'hui remboursés.

Interrogé sur le système de rémunération de Wall Street, M. Prince a jugé qu'il fonctionnait bien lorsqu'il reposait sur des actions et si ces titres étaient conservés pendant un certain nombre d'années, comme ce fut le cas pour lui.

Alors qu'il dit détenir encore «presque toutes les actions qu'il a accumulées pendant trente ans» chez Citigroup, M. Prince dit avoir vu son «intérêt personnel lié à celui des actionnaires» de la banque.

Il a vu sa «fortune personnelle grandir» à mesure que l'action du groupe progressait, puis quasiment «disparaître» alors que le titre de Citigroup s'est effondré au plus fort de la crise.

Durant cette audition, le républicain Bill Thomas a accusé M. Prince et Robert Rubin, autre ex-dirigeant de Citi qui était également auditionné, d'avoir eu un comportement moutonnier et d'avoir continué à émettre des prêts à des emprunteurs de mauvaise qualité parce que les autres institutions financières le faisaient.

«Pourquoi vous paye-t-on si ce n'est pour votre clairvoyance sur les marchés?» a-t-il déploré.

Un expert du groupe de réflexion American Enterprise Institut, Peter Wallison, a souligné qu'avant la crise «la plupart des gens étaient fiers qu'il y ait des prêts hypothécaires "subprime"» (à risque) consentis à des ménages pauvres et que «la propriété immobilière ait été en progression».