Oubliez Gomez, Gionta ou Cammalleri. La meilleure acquisition de Montréal cette année pourrait bien s'appeler Lemieux.

À 35 ans, il est au sommet de sa forme. Mais voilà, les amateurs de hockey risquent d'être déçus: Maxime Lemieux exercera son métier à quelques coins de rue du Centre Bell, dans les bureaux de Fidelity Investments. Nommé meilleur gestionnaire de portefeuille aux États-Unis par le site web MarketWatch en 2007, Maxime Lemieux prendra la direction du deuxième fonds commun de Fidelity en importance au Canada - le Fidelity Frontière Nord, d'une valeur de 5,5 milliards de dollars.

Maxime Lemieux amène avec lui deux de ses collaborateurs de longue date à Boston, les Québécois Daniel Dupont et Hugo Lavallée. Au total, 6,5 milliards de dollars en fonds d'actions canadiennes seront maintenant gérés à partir de Montréal.

Il s'agit d'un retour au bercail pour celui qui s'est exilé à Boston après avoir obtenu son bac en commerce à l'Université McGill en 1996. Un exil bien involontaire. «La récession canadienne avait été plus longue et il n'y avait pas d'offres d'emploi en gestion de portefeuille à Montréal quand j'ai fini l'université, se rappelle Maxime Lemieux. J'avais fait quelques entrevues avec des banques d'investissement à Montréal, mais je n'avais pas reçu d'offre.»

En parallèle, Maxime Lemieux sollicite un entretien avec la firme de gestion de portefeuille Fidelity, à Boston. Un vieux rêve qui remonte à son adolescence, alors qu'il dévorait les livres de son célèbre gestionnaire Peter Lynch. Il obtient l'emploi. Au Massachusetts, il gravit les échelons rapidement. En 2007, c'est la consécration: MarketWatch le consacre meilleur gestionnaire de fonds aux États-Unis. Cette année-là, son principal fonds d'actions canadiennes (le fonds Fidelity Canada) génère un rendement de 35% endollars US (15,6% endollars CAN), profitant notamment de la force des matières premières et de la faiblesse du dollar américain. En six ans sous la gouverne de Maxime Lemieux, ce fonds a battu l'indice canadien quatre fois sur six. Il a généré un rendement moyen annualisé de 18,3%, soit 1,3% de plus que l'indice S&P/TSX.

Une sabbatique sur fond de crise financière

En 2008, le fonds Fidelity Canada bat l'indice et évite les pertes (+3,2%) jusqu'à ce que son gestionnaire parte en congé à la fin d'août. Une sabbatique de six mois durant laquelle Maxime Lemieux assiste impuissant à l'écroulement de Wall Street en faisant le tour du monde.

Il apprend la faillite de Lehman Brothers en mangeant des tapas et en buvant de la sangria à Madrid. Il constate les premiers effets de la récession sur le marché immobilier des îles Baléares. Il est charmé par Paris, vit un choc culturel à Dubaï, fait un détour par l'Antarctique et met ses cours d'espagnol en pratique en Amérique latine.

De son congé sabbatique, il retient deux leçons. Sur le plan personnel, il aurait voulu partir plus longtemps, question de visiter l'Asie. Sur le plan professionnel, il a beaucoup réfléchi sur le monde de la finance. Il avait déjà des doutes sur certaines pratiques de Wall Street, ayant augmenté la pondération de liquidités dans ses fonds à 20% avant de partir en congé.

«J'appréhendais une baisse des marchés, mais jamais aussi importante et aussi rapide, dit-il. J'ose croire que la crise va faire réagir bien des gens. Il y a eu un manque de réglementation et un manque de jugement de la part de certains individus à Wall Street. Certains excès ont aussi eu lieu en raison des taux d'intérêt qui ont été très faibles très longtemps sous Alan Greenspan. L'être humain est cupide. Il va emprunter davantage si le taux d'intérêt est à 0% plutôt qu'à 5%. Et si on doit rembourser seulement dans deux ans, c'est encore plus tentant.»

La leçon du camelot

Maxime Lemieux se prépare pour son défi montréalais depuis son retour au bureau à Boston en mars dernier. Il compte gérer son nouveau fonds Frontière Nord comme les trois fonds qui ont fait sa renommée aux États-Unis. «Mon style a toujours été d'essayer de voir les tendances à long terme, les points d'inflexion et les moments où les marchés sont à risque, dit-il. J'étais prêt lors de la bulle des technos en 2001-2002 et j'étais aussi prêt pour la crise financière l'automne dernier.»

À 35 ans, il a gravi les échelons très rapidement dans le milieu nord-américain de la finance. Il a eu l'avantage de commencer tôt, ayant placé ses premiers dollars à la Bourse à l'âge de 11 ans. Ce fils de journaliste politique - son père Jocelyn a été chef de bureau de Radio-Canada à l'Assemblée nationale du Québec de 1984 à 1995 - investissait son salaire de camelot au quotidien Le Soleil dans un club d'investissement avec son parrain et ses cousins. «J'ai tout de suite aimé ça, car j'ai réalisé que je pouvais faire de l'argent sans travailler!» dit-il.