Les ratés entourant la mise en place d'un nouveau mode de distribution de billets de loterie font rager les détaillants. Loto-Québec a reçu 168 plaintes en bonne et due forme en provenance des détaillants et près de 10 000 appels. Des clients d'envergure, comme Sobeys, ont exprimé leurs préoccupations à la société d'État.

L'insatisfaction est à ce point répandue que deux associations de détaillants exigent des correctifs de la société d'État, dont les ventes de loteries instantanées reculent de 9 % depuis le début de l'exercice financier.

Loto-Québec a longtemps eu recours à des travailleurs autonomes qui parcouraient la province pour approvisionner les marchands en billets de loterie. L'an dernier, la société d'État a décidé d'éliminer ces intermédiaires pour faire des économies récurrentes de 10 millions par année et gagner en efficacité.

Les détaillants se plaignent aujourd'hui de faire les frais du changement introduit par Loto-Québec en mars 2016.

Les tâches qui étaient prises en charge par ces grossistes incombent dorénavant en bonne partie aux marchands, qui ne veulent pas payer un employé pour faire le travail de Loto-Québec.

« Je ne suis pas autorisé à vous parler, mais j'en aurais long à dire », nous a confié une gérante d'un supermarché Super C, avant de nous inviter à communiquer avec son propriétaire Metro.

La chaîne de supermarchés a dirigé notre appel vers le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

« C'est sûr que la nouvelle façon de faire est effectivement beaucoup plus exigeante pour les magasins. Ça demande plus de temps, de manipulation, de gestion, de suivi et d'interventions de la part des détaillants. » - Nathalie St-Pierre, directrice générale pour le Québec au Conseil canadien du commerce de détail

Les grandes chaînes ont aussi exprimé leur insatisfaction directement à Loto-Québec, a appris La Presse. « On a eu le même son de cloche quant aux problématiques de toutes les chaînes incluant Sobeys et, oui, Sobeys a contacté Loto-Québec comme les autres aussi l'ont fait », confirme Mme St-Pierre.

« On travaille directement avec Loto-Québec pour s'assurer qu'il y ait plus de support et de formation pour pouvoir réussir la transition », poursuit-elle.

ASPECTS IRRITANTS

Avec le nouveau système en vigueur, le détaillant ne paie que pour les billets activés. Auparavant, chaque billet commandé par le marchand était activé et immédiatement facturé, une façon de faire qui pouvait accaparer les liquidités du commerce.

Un autre avantage de la nouvelle méthode est qu'un billet inactivé n'a pas de valeur. Il n'y a donc pas de pertes pour le marchand en cas de vol. En contrepartie, le détaillant a maintenant la responsabilité d'activer et de désactiver les billets, un travail fastidieux.

« Il y a des lacunes au niveau de la gestion des inventaires et de la facturation », dit Pierre-Alexandre Blouin, vice-président affaires publiques de l'Association des détaillants en alimentation, qui travaille avec Loto-Québec pour trouver une solution.

« C'est très frustrant pour les opérateurs. Il faut que la gestion devienne plus simple pour tout le monde. On ne veut pas se retrouver avec 10 % de frais de gestion pour un produit qui en rapporte moins. » - Pierre-Alexandre Blouin, vice-président affaires publiques de l'Association des détaillants en alimentation

Les commissions offertes aux détaillants sont restées inchangées depuis 20 ans. C'est 8 % des ventes de loteries instantanées, 6 % des revenus tirés des billets de tirage sortant de la valideuse et 1 % de la valeur des lots gagnés de 1000 $ et plus.

RÉACTION DE LOTO-QUÉBEC

Du côté du monopole d'État, on reconnaît certains « défis » dans le rodage du nouveau système de distribution de billets. On se montre prêt à améliorer les procédures, notamment du côté de la facturation, mais on n'envisage pas de retour en arrière ou de bonification des commissions versées aux détaillants.

À la longue, le concours actif des nouveaux entrepreneurs de commercialisation, dont le rôle est de maximiser la présence commerciale, l'offre de produits au consommateur et la formation du détaillant, amènera les 8500 détaillants à percevoir les avantages du nouveau mode de fonctionnement, espère-t-on chez Loto-Québec.

Quant aux baisses des ventes des loteries instantanées, il s'agit d'une tendance structurelle qui n'a rien à voir avec le mode de distribution, soutient le porte-parole Patrice Lavoie.

Il s'est vendu pour 312 millions de billets de loterie instantanée d'avril à décembre 2015. Les plus récents chiffres annuels sortiront cette semaine.