Le gouvernement du Québec prévoit investir 1,5 milliard, dans les cinq prochaines années, afin de soutenir le développement du transport des marchandises et du tourisme maritime et d'améliorer les connaissances scientifiques sur les écosystèmes du fleuve Saint-Laurent, en vertu d'une nouvelle Stratégie maritime rendue publique hier par le premier ministre Philippe Couillard.

L'essentiel des investissements annoncés dans cette stratégie, d'ici 2020, servira à améliorer les infrastructures d'accès aux ports commerciaux, à créer des parcs industriels spécialisés en transport et en logistique, à favoriser l'implantation de nouvelles entreprises dans des zones industrielles situées à proximité d'installations portuaires et à «développer et moderniser le tourisme maritime» (voir texte plus bas).

Les budgets combinés de ces quatre axes d'intervention économique accapareront à eux seuls 80% des fonds gouvernementaux injectés dans les cinq premières années de mise en oeuvre de cette Stratégie maritime, qui se déploiera sur 15 ans et qui ambitionne de doubler le nombre des emplois liés au fleuve Saint-Laurent et à ses ports d'ici 2030.

25 000 emplois

Selon les données rendues publiques hier, l'économie maritime du Québec fournit des emplois à près de 25 000 personnes, dont une majorité (53%) travaillent dans le domaine du transport maritime. La pêche commerciale et l'industrie des produits de la mer font travailler 8136 personnes, soit le tiers des emplois liés aux activités maritimes.

D'ici 2030, le gouvernement du Québec ambitionne de créer 30 000 emplois de plus liés à l'économie maritime, dont 10 000 au cours des cinq prochaines années. Sur 15 ans, les investissements publics et privés dans les installations portuaires et les pôles logistiques devraient s'élever à 9 milliards, selon le gouvernement Couillard.

Le premier ministre a soutenu hier que des investissements privés pouvant aller jusqu'à 4 milliards devraient découler des programmes mis en oeuvre dans le cadre de cette stratégie.

Selon lui, «une occasion unique s'offre à nous avec l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, et l'agrandissement des écluses du canal de Panama, qui va modifier les grands flux de commerce à l'avantage des ports de la côte Est» du continent.

Pour saisir cette occasion, la Stratégie maritime vise globalement à améliorer et moderniser les infrastructures et installations liés au transport, à la manutention et à l'expédition des marchandises, afin de «s'ingérer dans la chaîne logistique des marchandises destinées aux marchés du Nord-Est américain.»

La Stratégie maritime englobe aussi des programmes de recherches sur le fleuve Saint-Laurent, la création d'un organisme spécialisé dans les interventions d'urgence en matière environnementale, en cas de déversement de produits polluants ou toxiques, et un train de mesures de soutien et de développement local pour les communautés du littoral.

Des millions saupoudrés par Québec

Infrastructures portuaires commerciales: 275 millions

Les ports commerciaux sont desservis par des infrastructures publiques (routes, égouts et réseaux d'eau, etc.) qui doivent parfois être adaptées en fonction du volume ou du type d'activités portuaires. Québec a budgété pour 2015-2016 des investissements de 200 millions «pour soutenir des projets d'infrastructures portuaires et intermodales consacrés au transport des marchandises». La Stratégie maritime prévoit de plus un budget de 75 millions pour l'amélioration des accès routiers au port de Montréal, du côté de l'autoroute 25 et du tunnel La Fontaine.

Création de pôles logistiques: 400 millions

Afin de «s'insérer davantage dans la chaîne logistique des marchandises en transit destinées aux grands marchés du Nord-Est américain», Québec prévoit des investissements totalisant 400 millions sur cinq ans, pour la création de parcs industriels spécialisés en logistique et transport des marchandises, dont 100 millions proviendront du Fonds de solidarité FTQ. Le gouvernement du Québec investira 200 millions pour «des prises de participation» dans de tels projets, et 100 millions pour la construction des infrastructures qui leur sont liées. Concrètement, deux projets sont envisagés à Contrecoeur, dans l'est de la Montérégie, où le Port de Montréal possède des terrains, et dans la région de Vaudreuil-Soulanges, dans un lieu à déterminer.

Les zones industrialo-portuaires: 400 millions

Québec vise la création de 3000 emplois directs et des investissements industriels privés de 2,4 milliards d'ici 2020, en soutenant l'implantation de nouvelles entreprises à proximité de ports commerciaux dans de nouvelles zones dites «industrialo-portuaires». Une enveloppe de 300 millions du Fonds de développement économique permettra à Québec de «soutenir financièrement les projets d'investissements privés». Des travaux de décontamination des sols seront notamment entrepris dans de telles zones pour rendre les terrains disponibles pour de nouvelles entreprises intéressées à s'établir près d'installations portuaires.

Le tourisme maritime: 138 millions

Québec souhaite «développer et moderniser le tourisme maritime» en investissant un total de près de 138 millions, d'ici cinq ans. Une enveloppe de 30 millions est prévue pour des «projets touristiques le long des rives du Saint-Laurent», et 21,6 millions pour «la mise en valeur de certains attraits naturels» du fleuve. L'agrandissement du terminal des croisières et le réaménagement du site Dalhousie, à Québec, seront financés à hauteur de 66 millions. La réhabilitation de la gare maritime et de la jetée Alexandra, qui accueillent les navires de croisière, dans le port de Montréal, recevra 20 millions.

Changements climatiques: 35 millions

Le transport maritime sur courte distance, de port à port, est une activité relativement peu connue, même si elle représente environ 20% de tout le trafic maritime enregistré dans les ports du Saint-Laurent. Québec estime que cette activité pourrait jouer un rôle dans la lutte contre les changements climatiques, en convertissant les navires de transport sur courte distance à des sources d'énergie produisant moins de gaz à effet de serre (GES), dont le gaz naturel liquéfié. La Stratégie maritime prévoit 35 millions d'ici 2020 pour «appuyer les initiatives» en faveur d'une réduction des GES et de l'amélioration de l'efficacité du transport maritime.

Soutien et développement local: 82 millions

Une des grandes orientations de la Stratégie maritime consiste «à favoriser l'occupation et la vitalité des régions» en favorisant les retombées économiques locales et la rétention des jeunes en région, ou en visant «l'acceptabilité sociale et l'implication des collectivités» face aux projets de développement économique. Aucun budget précis n'est toutefois rattaché à la majorité de ces nobles objectifs. La Stratégie confirme ainsi que Québec prolongera d'ici 2020, au coût de 82 millions, un crédit d'impôt remboursable pour la Gaspésie et certaines autres régions maritimes du Québec.

Les traversiers: 0$

Pour des milliers de Québécois, insulaires ou résidants de la Basse-Côte-Nord, par exemple, les traversiers constituent un moyen de transport essentiel vers les autres communautés du Québec. En 2013-2014, les 13 traverses publiques et privées du Québec ont reçu un total de 5,1 millions de passagers, et 2,1 millions de véhicules. Québec souhaite augmenter l'offre de service des traversiers. Sa Stratégie ne prévoit toutefois aucune enveloppe en ce sens. La Société des traversiers du Québec réalisera d'abord «un plan d'action visant à augmenter son achalandage, en favorisant le développement économique et touristique de toutes les régions qu'elle dessert».

Gestion des risques environnementaux: 3,4 millions

Un centre d'expertise spécialisé dans les interventions d'urgence environnementale sera créé aux Îles-de-la-Madeleine pour mieux documenter les risques liés à la navigation et actualiser les plans d'intervention en cas de déversement de produits dangereux dans les eux du fleuve Saint-Laurent. Le centre devra approfondir ses connaissances sur la nature des risques liés à la navigation, préparer les plans d'intervention et de gestion de crise, et «développer les meilleures pratiques fondées sur la recherche de pointe et la connaissance des écosystèmes fluviaux et marins». Des fonds de 3,4 millions sont prévus d'ici 2020.