Le déficit actuariel des régimes de retraite des employés municipaux a explosé de 55% en un an, a appris La Presse Affaires.

Il a atteint 4,8 milliards de dollars au 31 décembre 2011, par rapport à 3,1 milliards en 2010, selon une évaluation que le Ministère des Affaires municipales a fournie à l'Union des municipalités du Québec (UMQ), la semaine dernière.

Le déficit représente l'écart entre le passif, soit la valeur actualisée de toutes les promesses de rente faites aux employés et aux retraités, et les actifs dont disposent les régimes de retraite pour payer ces rentes.

L'explosion de 1,7 milliard du déficit dépend surtout de la baisse des taux d'intérêt qui oblige tous les régimes de retraite à mettre davantage d'argent de côté pour payer les rentes promises.

Le trou devra être comblé par les municipalités. Mais leur capacité de payer est limitée, à moins d'augmenter les taxes des citoyens. «La situation est alarmante», constate Yves Létourneau, conseiller à l'UMQ.

Dans les plus grandes municipalités, qui comptent de nombreux employés, le fardeau des régimes de retraite devient particulièrement lourd. Par exemple, le régime de retraite des policiers de la Ville de Longueuil accuse un déficit de 38 millions de dollars, presque aussi élevé que la masse salariale (43 millions). Le coût du régime représente 40$ par compte de taxe.

Patate chaude électorale

Dans le cadre de la campagne électorale, l'UMQ a demandé aux partis politiques de fournir des «outils législatifs» pour permettre un partage plus équitable des coûts et des risques des régimes de retraite entre les municipalités et leurs employés.

L'UMQ a mis de l'avant un certain nombre de solutions, comme réduire l'indexation des rentes en fonction du coût de la vie, arrêter de subventionner les retraites anticipées, hausser l'âge de la retraite, ou encore instaurer des régimes à prestations cibles. Dans ce type de régime, la rente promise est ajustée selon les résultats du régime.

Mais jusqu'ici, aucun parti politique n'a pris d'engagement. La crise des régimes de retraite est reléguée au second rang depuis le début de la campagne électorale, constate Yves Trudel, professeur de finances à l'Université de Sherbrooke.

«Combien de fois a-t-on entendu parler du déficit des régimes de retraite depuis le début de la campagne?, demande le professeur. Pourtant, c'est l'enjeu numéro un pour le Québec dans l'immédiat. On a eu un problème avec la Régie des rentes. Et maintenant, on a un problème tout aussi gros qui se pointe dans les municipalités. Est-ce qu'on est prêt à s'y attaquer?»

Mais les régimes de retraite sont une patate chaude électorale. «Lors des dernières élections, on avait tout fait pour évacuer la question des pertes de 40 milliards de dollars de la Caisse de dépôt», rappelle Jean-Pierre Aubry, économiste fellow associé au Cirano.

«Maintenant, c'est une réflexion qui devrait être sur la table», considère M. Aubry. Qu'est-ce que le gouvernement a l'intention de faire pour renflouer les régimes de retraite dont il est responsable?

«À date, cette question-là est passée pas mal sous silence. Le gouvernement a remis à plus tard, en espérant un retour du marché plus fort et plus rapide, qui ferait disparaître le problème de lui-même», dit M. Aubry.

Mais le problème s'est amplifié. Et le trou est encore plus grand.