Longtemps divisée entre fédéraliste et souverainiste, la population québécoise se répartit maintenant entre la gauche et la droite, selon ce qu'observe la firme de sondages Léger Marketing. Le phénomène est particulièrement visible entre les générations. Le schisme se vit aussi géographiquement: Montréal, à gauche, et le reste de la province, à droite.

«Montréal est résolument et de façon statistiquement significative la ville la plus à gauche du Québec, a dit Christian Bourque aux économistes québécois réunis en congrès à l'hôtel Hilton Bonaventure. M. Bourque, associé chez Léger Marketing, y avait été invité pour commenter les résultats d'un sondage portant sur la prospérité du Québec.

«Il y a une profonde fracture idéologique entre la métropole, l'île de Montréal et sa population, et le reste du Québec. La Ville de Québec est maintenant la ville la plus à droite du Québec. Ça va venir nécessairement teinter l'ensemble de nos débats économiques et politiques», a-t-il maintenu.

Il donne en exemple la question environnementale, un sujet pour lequel 57% des Montréalais disent qu'il faut favoriser l'environnement même si c'est au détriment du développement économique, alors que 68% des autres Québécois pensent le contraire.

Le fossé entre les générations constitue une autre fracture de la société québécoise. Ainsi, 59% des 18-34 ans sont opposés au ticket modérateur en santé, tandis que 61% des 35 ans et plus y sont favorables.

Sur la question des droits de scolarité, une majorité des 18-24 ans se déclarent favorables aux étudiants, mais 69% des 55 ans et plus approuvent la position du gouvernement, a indiqué M. Bourque.

Contre le gaz, pour le pétrole

L'image qui en ressort de ce Québec fracturé est celle d'un Québec de contradictions, dit le sondeur. «Selon les sondages, 68% des Québécois sont opposés à l'extraction des gaz de schiste, mais, en même temps, 73% sont favorables à l'extraction du pétrole au Québec. Ça peut sembler une contradiction», dit M. Bourque.

Le vice-président directeur de Léger Marketing s'est ensuite attardé aux résultats d'un sondage commandé par l'Association des économistes québécois (ASDEQ).

Pour les 18 à 24 ans, c'est l'État, avec les citoyens, qui est l'acteur qui peut le mieux contribuer à l'atteinte de la prospérité. Les 35 à 44 ans pensent plutôt que ce sont les entreprises privées qui sont les mieux placées, dans des proportions similaires.

Les adultes les plus jeunes sont aussi les plus nombreux à penser que l'entreprise privée devrait payer plus d'impôts. Ils sont aussi les plus nombreux à penser que l'apport des citoyens passe par l'engagement politique ou public. Les 25 ans et plus croient plutôt qu'encourager les entreprises québécoises reste le geste à poser le plus significatif pour créer un Québec plus prospère.

M. Bourque en tire comme conclusion que le Québec, après avoir connu une période écologique, où les préoccupations environnementales étaient au coeur des priorités de ses citoyens, est dorénavant entré dans l'ère du social.

«Avec les lignes de fracture que l'on voit au Québec, avec la façon dont la politique change, nous entrons résolument dans l'ère sociale. Tout projet de développement économique au Québec qui ne mettrait pas l'accent sur les retombées sociales du projet de développement est voué à l'échec», prévient M. Bourque.