La déconfiture de l'économie américaine ne donne aucun autre choix au Québec. Il est forcé de trouver de nouveaux marchés à l'étranger s'il veut prospérer.

Hier, entamant à Bombay une mission économique d'une semaine avec 130 représentants du milieu des affaires et d'établissements d'enseignement supérieur, le premier ministre Jean Charest a justifié l'importance qu'il donne depuis plusieurs mois à ses opérations sur la scène internationale.

Dans le cas de l'Inde, on assiste à une croissance économique annuelle proche des 10%, une perspective déterminante pour les industriels québécois, selon lui. «On est très dépendants du marché américain, c'est ce que nous enseigne la crise. S'il y a une leçon à tirer de la crise économique, c'est qu'on est beaucoup trop dépendant de ce marché. Il faut aller ailleurs!» a-t-il résumé lors d'un point de presse improvisé sur le toit du somptueux hôtel Taj Mahal Palace, cible d'attentats terroristes en novembre 2008.

C'est d'ailleurs le premier geste de Jean Charest en Inde: rendre hommage à la mémoire des victimes. D'où le choix du Taj Mahal, où une trentaine de personnes avaient perdu la vie, exécutées par les terroristes ou soufflées par une bombe. Un médecin montréalais, Michael Stuart Moss, et sa conjointe Elizabeth Russell étaient du nombre. «On connaissait l'hôtel, M. Charest y était venu en 2006. Cela laisse songeur quand on sait que sur le bord de la piscine, des gens ont été exécutés», a expliqué Hugo D'Amours, attaché de presse de M. Charest, à quelque pas de la piscine.

Dans l'ensemble de la ville, dans des hôtels de luxe surtout, il y a eu 195 victimes lors de la vague terroriste de novembre 2008, la dernière d'une longue liste.

Les cicatrices sont toujours présentes sur les murs de l'hôtel Taj Mahal Palace, encore marqués par les flammes. Désormais, on fouille les clients à leur arrivée, on vérifie leurs bagages comme dans un aéroport et on regarde sous le capot des véhicules avant qu'ils ne pénètrent dans l'entrée.

Charest se défend

Juste avant les Fêtes, le premier ministre Charest avait fait une mission en Russie et s'était aussi rendu à Copenhague. La semaine dernière, à Orford, la chef péquiste Pauline Marois lui a enjoint de demeurer au Québec pour assurer la gestion du gouvernement. «C'est impossible de fuir les problèmes du Québec. En étant ici, c'est ce que nous faisons, travailler pour les priorités du Québec. La priorité, c'est l'économie, et les déplacements sont faits pour mettre en valeur nos produits», a rétorqué M. Charest hier. Il ne se sent pas éloigné du débat québécois. «Peu importe où je suis, je m'occupe des affaires du Québec», a lancé Jean Charest sur le toit de l'hôtel, devant la pittoresque Porte de l'Inde à l'entrée du port.

C'est le deuxième passage de M. Charest en Inde. Il y avait fait une première mission en janvier 2006. «On a déjà identifié des économies émergentes comme la Chine et l'Inde, deux marchés cibles pour nous.» En Inde, «on doit profiter d'un marché en pleine expansion. L'Inde est l'un des pays qui s'est le mieux sorti de la crise. Elle est moins dépendante des exportations, la population est jeune, ce qui explique la résilience du marché indien», a-t-il soutenu.

En 2006, M. Charest avait promis une seconde mission dans la même année. Raymond Bachand et Monique Gagnon-Tremblay avaient fait deux tournées comme ministres par la suite, mais la véritable deuxième mission arrive finalement quatre ans plus tard que prévu. «Une mission de 130 personnes, ça prend du temps à organiser, dans un pays en développement...» a-t-il expliqué.

Le Québec peut désormais miser sur l'appui du nouveau ministre indien des Infrastructures, Kamal Nath. MM. Nath et Charest se connaissent depuis le sommet de Rio, en 1992, et ont toujours maintenu des liens par la suite.

Aux entrepreneurs québécois, le gouvernement ne peut offrir qu'une garantie, a ironisé M. Charest. «Dans un pays comme l'Inde, si vous ne venez pas, vous ne ferez pas d'affaires», a-t-il résumé. Le fait d'y être présent n'est pas toutefois une assurance de succès, a-t-il convenu. Seulement 1% des exportations québécoises prennent la route de l'Inde. Les ventes du Québec à l'Inde ont atteint 427 millions en 2008, mais tournent généralement autour de 300 millions par année. On vend du papier journal surtout, mais aussi de l'amiante et du matériel aéronautique.

Québec fait depuis longtemps pression sur Ottawa afin que le Canada signe une entente pour l'ouverture des marchés avec l'Inde. Le premier ministre Harper a signé une entente de principe l'an dernier. Une évaluation de la portée d'un accord de libre-échange est en cours. «Le Québec n'attend pas le fédéral pour investir les marchés. On ne doit surtout pas attendre après les autres. (Mais) un nouvel accord de libre-échange créerait un climat encore plus favorable», a dit M. Charest.