Vidéotron a un nouveau patron : le financier Jean-François Pruneau, responsable des finances de Québecor depuis huit ans. Le nouveau président et chef de la direction de Vidéotron entend conserver le plan d'affaires de la plus importante entreprise de télécoms au Québec. Voici six défis qui l'attendent au cours des prochaines années.

Maintenir la rentabilité

Vidéotron est la vache à lait de Québecor : l'entreprise de télécoms représente 98 % des profits de Québecor en 2018, le reste des profits (2 %) étant généré par les deux divisions Médias ainsi que Sports et divertissement. Depuis cinq ans, la contribution de Vidéotron aux profits (bénéfices d'exploitation) de Québecor est passée de 87 % en 2012 à 96 % en 2017. Pour les neuf premiers mois de 2018, la contribution est de 98 %. En 2017, Vidéotron a généré des profits de 1,534 milliard sur des revenus de 3,29 milliards, une marge de profit de 47 % qui est relativement stable depuis cinq ans.

Déployer le 5G

Durant son mandat, M. Pruneau devra vraisemblablement déployer la nouvelle technologie 5G sur le réseau sans fil de Vidéotron, qui partage son réseau avec Rogers (Bell et Telus ont une alliance similaire). Le 5G pourrait offrir des vitesses environ 200 fois plus rapides que les réseaux LTE, selon les circonstances. Aux États-Unis, le 5G doit arriver en 2019. Et au Canada ? Probablement en 2020 ou en 2021, pense la firme Deloitte, mais les géants canadiens des télécoms restent discrets sur cette question. Une enchère très importante pour le 5G aura lieu au pays en 2020.

Gérer les enchères de spectre

Vidéotron participera sans doute aux trois prochaines enchères du gouvernement fédéral pour acheter du spectre sans fil, en 2019, 2020 puis 2021. Ces enchères seront cruciales pour les entreprises de télécoms, car la qualité de leurs réseaux en dépend. Les deux enchères de 2020 et 2021 seront particulièrement importantes pour le déploiement du réseau 5G. Pour ces deux enchères, Vidéotron doit convaincre Ottawa de réserver des blocs de spectre pour les entreprises régionales comme Vidéotron, afin que le « Big 3 » des télécoms (Bell, Rogers, Telus) ne rafle pas toutes les enchères en offrant plus cher. Ottawa a réservé des blocs pour les entreprises régionales dans l'enchère de 2019, mais les règles des enchères de 2020 n'ont pas encore été déterminées.

L'exercice d'équilibriste de Fizz

L'automne dernier, Vidéotron a lancé sa marque à bas prix, Fizz. Avec Fizz, Vidéotron veut rejoindre une clientèle qui ne veut pas payer cher pour son téléphone sans fil, quitte à avoir moins de services. Fizz concurrencera ainsi les marques à rabais déjà établies Koodo (Telus), Virgin (Bell), Fido (Rogers) et chatr (Rogers). Le défi de Jean-François Pruneau : s'assurer que Vidéotron ne perde pas trop de clients à son service ordinaire (plus cher) tout en faisant concurrence aux marques à rabais de ses concurrents pour les clients qui veulent un service moins cher et moins élaboré. En plus de la téléphonie mobile, Fizz veut aussi lancer un service internet. Un autre exercice d'équilibriste pour le nouveau patron de Vidéotron.

Lancer Helix en 2019

C'est le nouveau système télé et internet qui remplacera illico en 2019. Helix permettra notamment de parler à sa télécommande, un peu comme avec les assistants personnels intelligents (p. ex. : Google Home). Vidéotron présentera Helix plus en détail au cours des prochains mois.

Ralentir le déclin de la télé

Le nouveau patron de Vidéotron devra faire face à une réalité qui ne risque pas de changer : les gens se désabonnent tranquillement de la télé câblée ou réduisent leur forfait pour se tourner vers les nouveaux services de visionnement comme Netflix. De 2012 à 2017, le nombre d'abonnés à la télé câblée a diminué de 7 % au Canada. Il s'agit d'une baisse d'environ 800 000 abonnés à l'échelle du pays. De 2011 à septembre 2018, Vidéotron a perdu environ 260 000 clients télé au Québec. Vidéotron compte environ 1,6 million de clients télé au Québec, soit environ 72 % des clients télé de la province. Vidéotron offre aussi un service de visionnement en ligne, le Club illico, qui compte environ 400 000 abonnés (9,99 $ par mois).

Qui est Jean-François Pruneau ?

Depuis huit ans, Jean-François Pruneau était le grand argentier de Québecor comme chef de la direction financière de Québecor. Il est l'une des personnes de confiance du grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, qui l'a nommé patron de Vidéotron même si M. Pruneau n'a pas d'expérience préalable en gestion des opérations. « J'ai rarement vu un chef de la direction financière avec un sens des affaires et des opérations aussi développé », a indiqué M. Péladeau dans un communiqué. M. Pruneau est chez Québecor depuis 2001.

Cette nomination a été très bien accueillie par les analystes financiers qui suivent le titre de Québecor. Même s'il est « rare » qu'un responsable des finances devienne le grand patron dans l'industrie des télécoms, l'analyste Phillip Huang (Barclays) souligne que M. Pruneau « connaît très bien tous les aspects des opérations de Québecor ». Deux analystes soulignent aussi que cette promotion enlève tout risque que M. Pruneau quitte Québecor.

Vidéotron a indiqué que M. Pruneau n'était pas disponible hier pour accorder des entrevues.

M. Pruneau remplace Manon Brouillette, qui a quitté le poste de présidente et chef de la direction de Vidéotron après presque six ans (elle sera candidate à un poste au conseil d'administration de Québecor en mai). Québecor a aussi nommé hier Hugues Simard, qui a travaillé au sein de l'entreprise de 1998 à 2017, comme chef de la direction financière. L'avocat Marc Tremblay obtient aussi une promotion : comme chef de l'exploitation, il devient le numéro deux de Québecor et « aura comme mandat de seconder » Pierre Karl Péladeau dans « la gestion des opérations ». M. Tremblay conserve aussi la responsabilité des affaires juridiques, des affaires publiques et des ressources humaines de Québecor.

Le titre de Québecor s'est apprécié de 2,4 % hier pour clôturer la séance à 29,62 $ à la Bourse de Toronto.