La Chine doit réagir «de toute urgence» à l'envolée des dettes de ses entreprises et cesser de se reposer sur le crédit pour doper l'activité, a averti le Fonds monétaire international vendredi, faute de quoi le pays subira une «croissance affaiblie de façon permanente».

«L'économie chinoise continue de se rééquilibrer vers une croissance durable», a affirmé James Daniel, directeur adjoint du FMI pour l'Asie et le Pacifique lors d'une conférence téléphonique, à l'occasion de la présentation de son rapport annuel sur le géant asiatique.

«Des progrès peuvent être observés dans plusieurs secteurs, en particulier dans l'importance croissante des services par rapport à l'industrie et de celle de la consommation par rapport à l'investissement. Mais il y a eu moins de progrès dans la maîtrise de l'augmentation rapide du crédit», a-t-il prévenu.

Le FMI s'inquiète, en effet, des fragilités financières grandissantes du pays, à un moment où Pékin s'efforce de rééquilibrer son modèle économique vers la consommation et les services, au détriment des industries lourdes et des exportations à faible valeur ajoutée, ses moteurs de croissance traditionnels.

Mais «la transition continuera d'être complexe, difficile, et potentiellement chaotique, alors que les risques augmentent et que les facteurs de solidité s'effritent», a martelé le Fonds, qui s'inquiète en particulier de la montée fulgurante des dettes des entreprises.

Celles-ci, en excluant le secteur financier, s'établissaient en 2015 à environ 120% du PIB chinois, mais elles pourraient bondir à près de 140% d'ici à 2019, selon des projections présentées par le Fonds.

Avec le vif ralentissement de l'activité, les créances douteuses (c'est-à-dire menacées de non-remboursement) représentent 5,5% du total des prêts, mais elles sont susceptibles de grimper à 15,5% -- auquel cas, les pertes potentielles pourraient équivaloir à «environ 7%» du PIB, avertit le FMI.

Certes, Pékin a promis de réduire drastiquement les surcapacités de production dans la sidérurgie et le secteur du charbon, très affectés par un endettement massif, mais «une solution plus complète» fait défaut et les réformes des groupes étatiques piétinent, poursuit le rapport.

Or, les entreprises d'État -- qui dominent les industries lourdes en Chine -- sont beaucoup plus endettées et moins rentables que les firmes du secteur privé.

Pourtant, grâce aux garanties apportées par les autorités et à l'accès aux banques publiques, elles peuvent emprunter à faible coût, «ce qui fausse l'allocation des ressources et encourage l'inefficacité», tranche le FMI, évoquant des entreprises «zombies» ne survivant que grâce au crédit.

«Les difficultés sont encore gérables, mais des mesures urgentes sont nécessaires pour s'assurer que cela restera le cas», souligne le rapport.

Faute de réformes structurelles rapides, et en cas de poursuite d'une politique de relance reposant sur un gonflement sans fin du crédit, «les vulnérabilités s'intensifieront» et conduiront le pays à «une croissance affaiblie de façon permanente», avertit le Fonds, recommandant des progrès dès les «prochains mois».

Le régime chinois est cependant confronté à un dilemme: Pékin se dit prêt à restructurer ses entreprises d'Etat obsolètes en réduisant notamment leurs colossaux effectifs, mais les autorités locales freinent des quatre fers, soucieuses de ne pas alimenter l'instabilité sociale.

Par ailleurs, le gouvernement central n'a cessé depuis deux ans de multiplier les assouplissements monétaires et abaissements du coût du crédit, puis les accroissements de dépenses publiques, afin de stimuler une activité à la peine... au prix d'une nouvelle embardée de l'endettement.

Les fruits à court terme de ces efforts avaient incité le FMI à relever légèrement en juillet sa prévision de croissance chinoise pour cette année, à 6,6%.

La croissance économique de la Chine était tombée l'an dernier à 6,9%, au plus bas depuis un quart de siècle, avant de s'essouffler à nouveau au premier semestre 2016, à +6,7% sur chacun des deux premiers trimestres.

La promesse de Pékin de s'attaquer aux déséquilibres structurels et risques financiers a été peu suivie d'effets, car «les politiques et déclarations du gouvernement semblent alternativement donner la priorité aux réformes et à la croissance», un flottement dommageable selon le FMI.

Pour lui, le coût inévitable de réformes douloureuses à court terme «serait plus que compensé par les gains à long terme».