Vladimir Poutine s'est efforcé jeudi de rassurer les Russes durement frappés par la récession économique, assurant que le «pic» des problèmes créés par les sanctions occidentales sur fond de crise ukrainienne était passé et que le pays en sortirait renforcé.

Le président russe s'exprimait au cours d'une très longue séance annuelle de questions-réponses avec ses concitoyens en direct à la télévision où il a également évoqué la guerre en Ukraine, sa décision d'ouvrir la voie à la possible vente de batteries antiaériennes S-300 à l'Iran, ainsi que l'enquête sur la mort fin février de Boris Nemtsov.

Mais c'est l'état de l'économie qui a concentré le plus de questions. La Russie, frappée par une crise monétaire sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir de M. Poutine en 2000, subit désormais une crise économique qui suit un an d'isolation croissante en raison de la crise ukrainienne mais aussi de chute des cours du pétrole, sa première source de revenus avec le gaz.

S'il a reconnu les difficultés rencontrées par la population en raison de l'inflation galopante et gardé un ton grave, citant à plusieurs reprises la baisse du pouvoir d'achat, il a surtout insisté sur la résistance du pays dans ce contexte difficile et les lueurs d'espoir.

«Les experts voient que nous avons passé le pic des problèmes en terme de remboursement des crédits extérieurs par les banques et par les entreprises du secteur réel», a-t-il insisté. «La monnaie nationale s'est corrigée et il n'y a pas eu de catastrophe».

Depuis la dernière intervention majeure du président à la télévision, pour sa conférence de presse en décembre, la situation a radicalement changé. À la fin de l'année dernière, le rouble venait de subir deux jours d'effondrement et semblait échapper à tout contrôle. La Banque centrale avait augmenté radicalement ses taux à un niveau, donnant des sueurs froides aux entreprises et consommateurs. Les économistes prévoyaient les scénarios les plus noirs.

Levée des sanctions improbable

Désormais, si l'activité montre bien des signes de récession, le mouvement semble plus limité que prévu. Soutenue par l'apaisement des combats en Ukraine et un rebond des cours du pétrole, la devise russe a même repris près de 40% depuis début mars face au dollar, ce qui en fait la monnaie la plus performante depuis le début de l'année.

Le dollar est même retombé sous le seuil psychologique des 50 roubles pour la première fois depuis novembre, quelques heures avant l'intervention de Vladimir Poutine, plus populaire que jamais depuis l'annexion de la Crimée il y a un an.

Par conséquent, le président russe, qui avait prédit en décembre une sortie de crise au bout de deux ans, a estimé que cela se ferait «peut-être plus rapidement». Il reprend ainsi les déclarations du gouvernement, qui ne cesse de répéter que la crise sera probablement moins violente que ce qui était attendu.

«Il est peu probable qu'on puisse attendre une levée des sanctions parce qu'il s'agit d'une question politique», a cependant prévenu M. Poutine, dénonçant une stratégie visant à «contenir le développement» du pays.

Mais il a estimé que la Russie devait «utiliser les sanctions pour atteindre de nouvelles limites de développement» et «corriger sa politique économique».

«Notre objectif, en tant que président, mais également pour le gouvernement, la Banque centrale et les dirigeants des régions, est de traverser cette période avec des pertes minimales», a-t-il insisté. «Est-ce possible? Oui, c'est possible».

Le président russe est revenu sur sa décision de lever l'interdiction de livrer à l'Iran des batteries sol-air S-300, répétant une nouvelle fois qu'elle se justifiait par la conclusion d'un accord-cadre le 2 avril entre l'Iran et les grandes puissances à Lausanne.

«Tous les participants ont annoncé qu'un accord avait été trouvé, il ne reste plus que les détails techniques à régler, ce devrait être fait en juin», a-t-il rappelé. «C'est pour cela que nous avons pris cette décision».

Interrogé sur la crise ukrainienne, le chef de l'État russe a démenti une nouvelle fois la présence de troupes russes en Ukraine malgré les accusations de Kiev, des Occidentaux et de l'OTAN. «Notre but n'est pas de reconstruire un empire», a-t-il affirmé, tout en confessant ne «faire aucune différence entre Russes et Ukrainiens».

«Ils sont fondamentalement la même nation», a-t-il ajouté.

Le président est également revenu sur le meurtre de l'opposant Boris Nemtsov, dont l'assassinat par balles fin février avait bouleversé l'opposition et suscité de vives critiques à travers le monde.

«Je ne sais pas encore si (l'enquête) réussira à identifier les commanditaires, si commanditaires il y a», a-t-il déclaré.