L'organisme Héritage Montréal craint de voir un trou béant défigurer le centre-ville pendant plusieurs années si rien n'est fait pour stopper la démolition imminente de bâtiments du Red Light.

En décembre dernier, l'arrondissement de Ville-Marie a donné un ordre de démolition touchant une demi-douzaine d'immeubles du boulevard Saint-Laurent, entre René-Lévesque et Sainte-Catherine. Les façades menacent de s'effondrer et constituent un risque pour la sécurité publique, selon les autorités.

Sans nier les problèmes d'ordre sécuritaire, le directeur des politiques chez Héritage Montréal, Dinu Bumbaru, plaide pour une solidification des façades plutôt que leur démantèlement. Elles demeureraient ainsi en place le temps de trouver un projet pour ce vaste terrain du Red Light.

«On se dirige vers un terrain vacant qui va faire toute la largeur entre le Monument National et le Café Cléopâtre, et pour combien de temps?», a dénoncé M. Bumbaru à La Presse Affaires.

Comme les immeubles se trouvent dans une aire de protection patrimoniale autour du Monument National, le ministère de la Culture a exigé que chaque pierre soit numérotée et entreposée en vue d'être réutilisée dans un futur projet. Les plans de démontage finaux ont été approuvés le 16 avril, ce qui ouvre la porte au démantèlement des immeubles d'un jour à l'autre. La date du 7 mai circule.

Dinu Bumbaru cite en exemple le Centre de commerce mondial et les Promenades de la cathédrale, deux projets majeurs qui ont intégré en tout ou en partie de vieux bâtiments.

«Des poutres d'acier, on en a en masse à Montréal, des ingénieurs, on en a d'extrêmement talentueux, a-t-il lancé. Le Centre de commerce mondial célèbre ses 20 ans cette année et si vous vous rappelez du chantier, il y avait des façades rue Saint-Antoine qui tenaient devant un trou béant pendant les travaux.»

Selon M. Bumbaru, la préservation des façades est d'autant plus primordiale que la Ville se bat depuis des années pour éliminer les terrains vagues et stationnements de surface du centre-ville. «Pour nous, c'est essentiel de ne pas procéder avec une démolition qui va créer un autre handicap pour Montréal, alors qu'on a investi 120 millions juste à côté dans le Quartier des spectacles.»

Projet controversé

Le redéveloppement de ce tronçon du boulevard Saint-Laurent - le coeur de l'ancien Red Light - soulève les passions depuis quelques années déjà. La Société de développement Angus (SDA), dirigée par Christian Yaccarini, devait au départ construire un immeuble de bureaux de 160 millions de dollars, mais elle a abandonné le projet en mars 2011.

SDA avait réussi à exproprier tous les propriétaires situés entre le 1190 et le 1212, boulevard Saint-Laurent, sauf celui du Café Cléopâtre. La firme a évoqué l'idée de relancer un projet en deux phases - de part et d'autre de cette boîte de striptease -, mais rien ne s'est concrétisé à ce jour.

Catherine Mayor, porte-parole de SDA, a indiqué hier par courriel qu'aucune annonce n'était prévue pour le moment dans ce dossier. Elle n'a pas non plus précisé la date du début des travaux de démantèlement.