Le temps d'une simple marche sur la ferme de Saint-Grégoire (Bénancour), entre la maison, la porcherie et les silos à grain, on revit l'aventure de Laurent Pellerin et de sa femme, Joanne Larouche. Partis de la ville en 1972, sans expérience agricole, ils ont bâti leur ferme à partir de rien, ou presque. Et malgré les impératifs associés au travail syndical de M. Pellerin, l'exploitation de la ferme ne permettait aucun congé.

Assis autour de la table de la cuisine, devant un impressionnant poêle à bois Bélanger de 1925 qui reluit comme s'il était neuf, le couple se raconte. «On n'a jamais arrêté de travailler», dit Joanne Larouche. Et ce n'est pas toujours les machines qui ont fait le gros du boulot.

«Pendant une vingtaine d'années, c'était du travail à bras», souligne M. Pellerin. Pour lui comme pour elle. «Pendant un certain temps, je pouvais manipuler deux tonnes de moulée par jour ou 60 balles de foin», souligne Mme Larouche.

Président de la Fédération des producteurs de porc de 1985 à 1993, puis de l'UPA jusqu'en 2007, Laurent Pellerin n'a pas sacrifié le travail sur la ferme. «Il menait deux vies dans une seule, raconte sa femme. Il travaillait tout le temps. Il arrivait du bureau, se changeait et se mettait à l'ouvrage ici. Il ne faisait pas de semaine en bas de 80 ou 90 heures.»

La ferme produit aujourd'hui 4500 porcs et environ 75 boeufs par année. Elle compte environ un millier d'acres de terre cultivée pour l'alimentation des animaux.

Bâtir

Entraîné dans la vie syndicale à la fin des années 70, Laurent Pellerin parle avec fierté de ses accomplissements des trois dernières décennies. Il se rappelle la mise en marché du porc, la création du Conseil pour le développement de l'agriculture au Québec, la fondation de la Financière agricole. «J'ai amené du monde à bâtir quelque chose ensemble, résume-t-il. C'était extraordinaire.»

En dépit de sa feuille de route, Laurent Pellerin a perdu la présidence de l'UPA en décembre 2007, battu par 11 voix par Christian Lacasse. «C'est la rançon de plusieurs années à la tête de l'organisme, philosophe-t-il aujourd'hui. Tu dois dire non, tu ne te fais pas que des amis.»

Au moins, cette défaite lui aura permis, dans les semaines suivant l'élection, d'apprivoiser l'informatique. Il n'osait pas approcher cet outil de travail, mais il ne peut plus s'en passer aujourd'hui. Il fait toutes ses réservations d'hôtel ou de billets d'avion par internet. Une manière de faire rapide et flexible qui le sert bien, lui qui parcourt le Canada et le monde.

Sa vie est un tourbillon, mais l'homme de 61 ans s'y plaît visiblement. «En mars, je dois donner une conférence à Beloeil un soir, et je dois être à Bruxelles le lendemain», dit le représentant de 200 familles agricoles canadiennes. Pas certain qu'il s'attendait à ça quand il s'est installé sur cette ferme abandonnée de Saint-Grégoire, en 1972, sans expérience agricole.