Au cours des deux dernières années, Héroux-Devtek (T.HRX) a pu profiter du secteur militaire pour compenser le ralentissement de l'aviation commerciale. Maintenant que Washington et les autres gouvernements sont confrontés à d'importants déficits, la situation pourrait bien s'inverser.

«Nous demeurons prudents pour le moyen terme car le gouvernement américain doit résorber son déficit global et pourrait réduire les budgets (dans le domaine de la défense)», a déclaré jeudi le président et chef de la direction de l'entreprise longueuilloise, Gilles Labbé, au cours de l'assemblée annuelle des actionnaires, qui s'est déroulée à Montréal.

«C'est sûr que c'est un risque d'affaires qu'on essaie de gérer en étant diversifiés sur différents programmes d'avions», a-t-il ajouté en conférence de presse. «Mais la bonne nouvelle, c'est qu'il semble que l'aviation civile et commerciale reprend du poil de la bête rapidement.»

Le dirigeant du troisième plus important fabricant de trains d'atterrissage au monde a souligné qu'au récent salon aéronautique de Farnborough, en Angleterre, les géants Boeing et Airbus ont reçu des commandes pour pas moins de 237 appareils.

De plus, les deux constructeurs ont annoncé des hausses de leurs cadences de production pour l'an prochain. Ça tombe bien: Héroux-Devtek fabrique des trains d'atterrissage et des pièces pour de nombreux avions de Boeing et d'Airbus.

Le creux enregistré l'an dernier dans l'aviation commerciale a été beaucoup moins profond et a duré bien moins longtemps que celui de 2001-2002, qui avait fait suite aux attentats terroristes du 11 septembre. «C'est la première fois qu'on voit un cycle qui est aussi doux», a fait remarquer M. Labbé.

L'un des programmes qui pourraient être touchés par les réductions de dépenses des gouvernements est le Joint Strike Fighter (JSF), qui doit mener au chasseur F-35 de Lockheed Martin. Aux États-Unis, des élus et des organismes ont soulevé des questions quant aux coûts et aux retards de ce projet ambitieux.

Washington compte acquérir 2400 appareils F-35 au cours de la durée de vie du programme, mais jusqu'ici, le financement n'a été débloqué que pour 42 avions. Le mois dernier, Ottawa a annoncé l'achat de 65 F-35 au coût de 16 milliards de dollars. Plusieurs pays européens en acquerront également.

«La progression des cadences de production pourrait être réduite», a reconnu Gilles Labbé.

«C'est une question politique, mais il reste que nous croyons fermement en ce programme», a-t-il ajouté. Héroux-Devtek s'attend à ce que la production passe de 42 appareils F-35 en 2011 à une cinquantaine par année par la suite, puis ultimement à une centaine par année.

Pour Héroux-Devtek, l'enjeu est de taille: compte tenu des différents composants qu'elle fabriquera pour le F-35, la vente de chaque avion doit lui rapporter des revenus de 750 000 $ US.

Résultats

Au premier trimestre de son exercice 2010-2011, Héroux-Devtek a en quelque sorte été prise entre deux feux: la lente reprise de l'aviation commerciale et les retards dans le programme JSF. Ses résultats en ont pâti.

Au cours de la période qui a pris fin le 30 juin, l'entreprise a enregistré des profits nets de 3,2 millions (10 cents par action), en baisse de 29,9 % par rapport aux 4,5 millions (15 cents par action) dégagés pendant le même trimestre de l'an dernier.

Les résultats ont été inférieurs aux attentes des analystes financiers. La situation s'explique principalement par «la faiblesse des marges bénéficiaires», a écrit l'analyste Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, dans une note.

Les revenus ont progressé de 0,5 % pour s'élever à 82,5 millions. Cependant, si l'on exclut les ventes de 7,1 millions provenant d'Eagle et d'E2, deux entreprises qu'Héroux a récemment acquises, le chiffre d'affaires a chuté de huit %, à cause principalement d'une baisse des volumes dans le secteur des produits d'aérostructure et de l'appréciation du dollar canadien.

Les résultats comprennent des frais de restructuration de 368 000 $, avant impôts, liés à la fermeture, le mois prochain, de l'usine de Rivière-des-Prairies, qui a été annoncée en mai.

Pour son deuxième semestre, qui débutera en octobre, Héroux-Devtek prévoit enregistrer une hausse de 15 à 20 % de ses ventes par rapport à la première moitié de l'exercice, en raison principalement de l'acquisition d'Eagle et d'E2. En excluant cette contribution, les revenus devraient demeurer stables par rapport à l'an dernier.

Au 30 juin, le carnet de commandes d'Héroux-Devtek se chiffrait à 545 millions, dont 125 millions provenant d'Eagle et d'E2. En faisant abstraction de cet ajout, le carnet est en baisse de 3 millions par rapport au 31 mars.

En fin d'après-midi, l'action d'Héroux s'échangeait à 6 $, en baisse de 1,2 %, à la Bourse de Toronto.