Donald Trump a lancé un nouveau coup de semonce à l'endroit du Canada et du Mexique, hier, menaçant de déchirer l'ALENA à 24 heures du début de la quatrième ronde de renégociation. Piqué au vif - encore une fois - par son principal partenaire, le gouvernement Trudeau a réitéré qu'il ne signerait « pas n'importe quel » accord.

Dans une entrevue publiée hier par Forbes, Donald Trump a dit qu'il ne « pensait pas » pouvoir renégocier une entente commerciale satisfaisante. La seule option viable, selon lui : « mettre un terme » à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et repartir à neuf.

Ces nouvelles déclarations laissent présager une rencontre tendue avec Justin Trudeau cet après-midi à la Maison-Blanche. Le premier ministre canadien, arrivé hier à Washington, a promis d'aborder « plusieurs enjeux » corsés avec son homologue américain, incluant la récente dispute commerciale entre Boeing et Bombardier ainsi que l'ALENA.

M. Trudeau profitera de son passage dans la capitale américaine pour rencontrer une vingtaine de représentants du Comité des voies et moyens. Cet influent organe bipartisan traite notamment des questions de commerce international et pourrait jouer un rôle de premier plan dans la suite des choses.

« VAGUE PROTECTIONNISTE »

La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, qui se trouve elle aussi à Washington, a fait part de certaines de ses inquiétudes sur le commerce mondial pendant une conférence organisée par le magazine Fortune. Selon elle, les relations internationales se trouvent aujourd'hui dans leur état « le plus incertain » depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

« Soyons clairs : nous faisons face à une vague de protectionnisme - la plus sérieuse depuis les années 1930, a précisé un peu plus tard à La Presse Adam Austen, attaché de presse de Mme Freeland. Il est évident que bien qu'il y ait du progrès, plusieurs propositions américaines [sur l'ALENA] sont vouées à l'échec. »

Le Canada entend rester ferme pendant la prochaine ronde de renégociation de l'ALENA, a-t-il poursuivi.

« Nous continuerons de présenter des arguments raisonnés et factuels, et de travailler vers un bon accord, pas n'importe lequel. » - Adam Austen

Les pourparlers ont été prolongés de deux jours pour permettre aux ministres des trois pays de se rencontrer le 17 octobre à Washington.

Selon Eric Miller, président du Rideau Potomac Strategy Group, firme de consultants établie à Washington, Donald Trump cherche d'abord et avant tout un levier de négociation. « Il est persuadé que si le Canada et le Mexique croient qu'il abolira réellement l'ALENA, ils accéderont à ses demandes, a-t-il avancé. De leur côté, le Canada et le Mexique ne plieront pas et nous pourrions tous nous retrouver perdants dans une Amérique du Nord sans ALENA. »

AVEC IVANKA TRUMP

Justin Trudeau a lui aussi assisté hier soir au Most Powerful Women Summit organisé par Fortune. Malgré la thématique de l'événement, il n'a pu éviter le sujet épineux du commerce canado-américain. Dès son arrivée sur scène, sur un air de Céline Dion, l'intervieweuse lui a posé une série de questions sur sa rencontre imminente avec Donald Trump et la renégociation de l'ALENA.

Le premier ministre a insisté sur le désir commun du Canada et des États-Unis de favoriser l'essor de leur classe moyenne respective. Justin Trudeau, accompagné par sa femme Sophie Grégoire-Trudeau, a partagé un repas à la table d'honneur avec Ivanka Trump, la fille du président Trump.

« SONNETTE D'ALARME »

Plus tôt en journée, un regroupement de plus de 300 chambres de commerce américaines a pressé Donald Trump de laisser la chance aux pourparlers de porter leurs fruits, afin de « ne pas causer de dommages » à l'ALENA.

Dans une lettre adressée au président des États-Unis, la U.S. Chamber of Commerce et ses cosignataires exhortent les négociateurs américains à ne pas aller de l'avant avec plusieurs propositions jugées « non nécessaires et inacceptables ».

« Nous avons atteint un moment critique, et la Chambre [de commerce] n'a plus d'autre choix que de tirer la sonnette d'alarme », a fait valoir Thomas Donohue, président et chef de la direction de l'organisme établi à Washington.

Les 300 signataires plaident fermement en faveur d'une version « modernisée » de l'ALENA. Thomas Donohue dénonce du même souffle les « menaces » de retrait répétées, comme celles formulées par Donald Trump dans Forbes.

ALENA... ET HOCKEY

Après s'être enflammé pendant son entrevue accordée à Forbes, le président américain a aussi trouvé le moyen de blaguer sur l'ALENA, hier. Alors qu'il accueillait les joueurs des Penguins de Pittsburgh à la Maison-Blanche pour les féliciter pour leur Coupe Stanley, il a dit que Ron Burkle, le copropriétaire de l'équipe de hockey, devrait l'aider à renégocier l'accord.