«Changer le conseil d'administration est important. Mais ce n'est qu'une étape vers le redressement de ses résultats.»

C'est ainsi que les deux principaux actionnaires de Rona, la Caisse de dépôt et placement du Québec et les fonds Invesco de Toronto, justifient leur intervention commune à la haute direction du géant québécois de la déco-rénovation.

Cette intervention a mené à l'annonce par Rona, hier, du remplacement de la majorité des membres de son conseil d'administration, dont son président, Robert Paré.

Son successeur immédiat est Robert Chevrier, administrateur d'expérience chez de grands distributeurs québécois qui sont reconnus dans leur marché respectif.

Pour devenir numéro un chez Rona, M. Chevrier délaisse la présidence du conseil de Quincaillerie Richelieu, distributeur de pièces pour les fabricants d'armoires et de meubles. Richelieu est un important fournisseur québécois de Rona.

M. Chevrier conserve toutefois son autre chapeau d'affaires: président du conseil d'Uni-Select, distributeur de pièces et d'accessoires automobiles au Canada et dans le Nord-Est américain.

Le mieux placé

Selon la Caisse et Invesco, Robert Chevrier est le gestionnaire le plus apte pour guider la nécessaire remise en forme de Rona. Son début de mandat s'annonce d'ailleurs très chargé. «Rona est à un point critique de son histoire où il doit se concentrer sur ses compétences fondamentales», a-t-il admis hier.

M. Chevrier présidera un conseil chambardé par le départ de membres initiés chez Rona par des administrateurs venus de l'extérieur.

Parmi ces nouveaux venus: Bernard Dorval, un financier de 60 ans qui a déjà dirigé la Banque TD Canada Trust, Guy Dufresne, ingénieur de 69 ans et administrateur d'expérience en industrie, et Wesley Voorheis, avocat torontois devenu conseiller stratégique de grands investisseurs boursiers.

En tout, huit nouveaux administrateurs seront présentés aux actionnaires de Rona au cours de leur assemblée de 14 mai. Ils formeront une majorité parmi le conseil élargi de 12 à 14 membres.

Tant chez la Caisse que chez Invesco, on admet que les attentes sont élevées envers le nouveau conseil de Rona pour qu'il prépare rapidement un plan de redressement de la rentabilité. «Les 12 prochains mois seront cruciaux pour son avenir. Rona doit revenir à une croissance rentable. La Caisse et nous sommes au même diapason à cet effet», a indiqué Ian Hardacre, vice-président et chef des placements en actions canadiennes chez Invesco.

Beaucoup à faire

À la Caisse de dépôt, le porte-parole, Maxime Chagnon, a indiqué qu'«il y aura beaucoup à faire après le changement d'administrateurs. Rona doit s'attaquer aux moyens de rehausser sa performance d'affaires et son rendement pour ses actionnaires».

La Caisse avait déjà exprimé ce souhait envers Rona, après son achat d'un bloc d'actions l'été dernier pendant que l'entreprise soupesait une proposition d'achat de la part du géant américain Lowe's.

On connaît la suite. Cette proposition a été rejetée, mais non sans susciter la grogne d'actionnaires importants de Rona, dont les firmes d'investissement Invesco et ABC de Toronto. Elles estimaient que le conseil de Rona avait mal géré la proposition de Lowe's, ce qui avait nui à l'avoir de tous ses actionnaires.

Peu après, Invesco et ABC avaient appelé publiquement les actionnaires de Rona à changer son conseil d'administration.

Plus discrète, la Caisse de dépôt y a néanmoins trouvé un motif d'intervention chez Rona afin de forcer des changements draconiens à sa haute direction et à son plan d'affaires.

En novembre dernier, son PDG de longue date, Robert Dutton, s'est fait montrer la porte. Peu après, son remplaçant intérimaire, Dominique Boies, déjà chef financier de Rona, a annoncé l'ébauche d'un plan d'affaires recentré sur la rentabilité, quitte à délester certaines activités.

Des résultats décevants à venir

Les détails chiffrés de ce plan sont promis par Rona au moment de l'annonce de ses prochains résultats trimestriels, le 21 février.

De l'avis d'analystes, ces résultats s'annoncent dans la lignée des précédents, c'est-à-dire décevants et encore à perte.

Entre-temps, le nouveau conseil de Rona devra recruter un PDG pour remanier et réaliser le plan d'affaires.

Quant à l'action de la Caisse chez Rona, faut-il y voir un nouvel interventionnisme dans les grandes entreprises québécoises où elle investit?

«Pour nous, le meilleur moyen de développer l'économie du Québec est d'y bâtir des entreprises performantes», a répondu son porte-parole, M. Chagnon.

Chez Invesco, le vice-président, Ian Hardacre, a indiqué qu'en dépit de l'épisode avec Lowe's l'été dernier, la sollicitation d'offre d'achat pour Rona «ne fait pas partie [des] options à ce moment-ci». «Notre priorité, c'est qu'elle redresse la rentabilité.»

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RONA EN CHIFFRES

ACTIVITÉS

Plus important distributeur et détaillant canadien en quincaillerie et déco-rénovation (800 magasins, 74 centres de distribution de matériaux et d'articles spécialisés)

EFFECTIFS

21 000 employés (30 000 avec les détaillants)

SIÈGE SOCIAL

Boucherville

REVENUS

Des 4 trimestres antérieurs : 4,8 milliards ("1,7%)

Prévus au 4e trimestre 2012 [1] : 1,1 milliard (-3%)

PERTE

Des 4 trimestres antérieurs : 115,7 millions

Prévue au 4e trimestre 20 121 : 36 millions

VALEUR BOURSIÈRE

1,4 milliard

PRINCIPAUX ACTIONNAIRES

Caisse de dépôt et placement (15%), fonds Investco Trimark (10%, Toronto), fonds ABC/IA Michael (3%, Toronto), fonds Dimensional, (2,3%, Texas), etc.

[1] Selon les analystes recensés par l'agence Bloomberg