Alors que la tempête politique liée à l'affaire SNC-Lavalin continue de faire rage au pays, voilà que l'OCDE se dit « préoccupée » par les allégations d'ingérence politique qui auraient été exercées en haut lieu pour éviter à la firme québécoise un procès criminel et annonce qu'elle va suivre de près l'évolution du dossier.

Dans un communiqué de presse publié lundi, le Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption exprime son inquiétude d'autant plus que le Canada « s'est engagé à se conformer pleinement aux dispositions de la Convention, qui consacre l'indépendance des poursuites dans les affaires de corruption transnationale, en vertu de son article 5 ».

L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) demande donc au gouvernement Trudeau de lui faire rapport de ses intentions d'ici à la fin juin et de prendre des mesures correctives pour éviter qu'une telle situation ne survienne à l'avenir.

« Des considérations politiques tels que l'intérêt économique national d'un pays ou l'identité des auteurs présumés ne doivent pas influencer les enquêtes et les poursuites engagées dans les affaires de corruption transnationale », tient d'ailleurs à rappeler l'OCDE dans son communiqué de presse.

Selon des informations obtenues par La Presse, c'est la première fois que le Canada se fait rabrouer de la sorte par une organisation internationale sur des questions liées à la corruption transnationale.

Rappelons que SNC-Lavalin doit répondre à des accusations de fraude et de corruption pour avoir versé 47 millions de dollars en pot-de-vin entre 2001 et 2011 afin d'obtenir des contrats de la part du gouvernement de la Libye.

Le géant de l'ingénierie cherche à tout prix à conclure un accord de réparation - une sorte d'entente à l'amiable - une option que lui a refusée l'automne dernier le Service des poursuites pénales du Canada. Un verdict de culpabilité pourrait empêcher la firme québécoise d'obtenir des contrats publics pendant une période de 10 ans au Canada.

Le gouvernement Trudeau est sur la défensive depuis un mois à la suite des révélations du Globe and Mail selon lesquelles le bureau du premier ministre a exercé des pressions indues sur l'ancienne ministre de la Justice et Procureure générale Jody Wilson-Raybould afin qu'elle infirme la décision du Service des poursuites pénales du Canada de ne pas conclure un accord de réparation avec SNC-Lavalin.

Cette controverse qui a éclaté il y a un mois a provoqué la démission de deux ministres - Jody Wilson-Raybould, qui avait été mutée aux Anciens combattants à la mi-janvier, et Jane Philpott, qui occupait depuis le poste de présidente du Conseil du trésor - et entraîné le départ de Gerald Butts, l'ex-secrétaire principal et ami de longue date de Justin Trudeau.

L'affaire a aussi fait perdre des appuis aux libéraux de Justin Trudeau dans les sondages à sept mois des élections fédérales. Le premier ministre a nié avoir exercé des pressions indues sur son ancienne ministre, tout comme Gerald Butts et l'ancien greffier du Conseil privé, Michael Wernick.

Réagissant à l'annonce de l'OCDE, un porte-parole de la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, Adam Austen, a affirmé que le Canada « appuie fermement l'ordre international fondé sur des règles et les institutions multilatérales qui le renforcent ».

« Le Canada est un des pays fondateurs de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption, et nous luttons depuis longtemps contre la corruption, y compris par le biais de l'OCDE. Nous reconnaissons les préoccupations exprimées aujourd'hui par le Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption. Nous continuerons à travailler avec le groupe de travail et à l'informer sur les processus nationaux robustes et indépendants actuellement en cours au Canada, que le groupe de travail a reconnus et encouragés », a-t-il ajouté dans un courriel à La Presse.