La baisse soudaine du nombre de bénéficiaires de l'assurance-emploi observée surtout dans l'Atlantique laisse croire que la réforme d'Ottawa a des conséquences néfastes qui n'iront qu'en s'aggravant, à l'heure où les industries saisonnières procèdent à des licenciements, soutient un économiste.

Pour Erin Weir, économiste au syndicat des Métallos, il ne fait aucun doute que la réforme de l'assurance-emploi cible d'abord et avant tout les travailleurs saisonniers: les statistiques prouvent déjà en effet que la baisse la plus importante du nombre de bénéficiaires a été observée dans les provinces de l'Atlantique, a-t-il soutenu.

Affirmant qu'on n'assiste pas à une baisse du taux de chômage mais plutôt à une baisse du nombre de prestataires de l'assurance-emploi, M. Weir croit que cette tendance semble refléter la volonté du gouvernement fédéral de fermer l'accès au programme à un plus grand nombre de Canadiens.

Le nombre de travailleurs sans emploi a stagné à environ 1,4 million de Canadiens depuis au moins un an, a-t-il indiqué.

Or, les chiffres de Statistique Canada révèlent qu'en juillet, le nombre de personnes touchant des prestations d'assurance-emploi était en baisse de près de 6% partout au pays par rapport à l'an dernier.

À Terre-Neuve-et-Labrador, la baisse était de 11%, tandis qu'elle atteignait 16% à l'Île-du-Prince-Édouard, 12% en Nouvelle-Écosse et 9% au Nouveau-Brunswick.

Au Québec, en Ontario et en Alberta, la baisse s'est établie à 3%; elle était de 11,5% en Colombie-Britannique, 12% au Manitoba et 7% en Saskatchewan.

Le gouvernement fédéral soutient de son côté que les nouvelles règles du programme d'assurance-emploi, instaurées en juin, se veulent un effort «modeste et raisonnable» pour s'assurer que le système soit bel et bien flexible et équitable.

Les modifications apportées ne changent pas les exigences d'admissibilité au programme, dont le nombre d'heures de travail effectuées pour déposer une demande, a indiqué dans un courriel un porte-parole du ministère de l'Emploi et du Développement social.

«Nous attendons seulement des bénéficiaires qu'ils recherchent du travail dans leur communauté, et ce à une heure ou moins de transport de leur domicile. En outre, les circonstances personnelles sont prises en compte - comme l'accès au transport en commun et à des services de garde», mentionne-t-on dans le courriel.

M. Weir estime toutefois que les statistiques parlent d'elles-mêmes. «Je pense effectivement que nous observons actuellement les conséquences des compressions fédérales dans l'assurance-emploi», a-t-il soutenu.

L'opposition à la réforme de l'assurance-emploi persiste

La rare unanimité entre patrons, syndicats et groupes sociaux québécois persiste face à la réforme de l'assurance-emploi du gouvernement Harper, dénoncée comme une négation de la réalité économique non seulement au Québec mais partout à travers le pays.

L'organisme patronal Manufacturiers et exportateurs du Québec a reproché aux conservateurs, mercredi matin devant la Commission nationale d'examen de l'assurance-emploi, de confondre la saisonnalité de l'emploi avec l'utilisation abusive du programme.

La Commission, coprésidée par l'ex-chef bloquiste Gilles Duceppe et l'ex-ministre péquiste Rita Dionne-Marsolais, tenait une deuxième journée d'audiences publiques à Montréal.

Le président de Manufacturiers et exportateurs, Simon Prévost, a fait valoir que la saisonnalité touche de nombreux secteurs de l'économie tant à cause du climat qu'à cause des conditions de marché ou de carnets de commandes instables. Il a noté que plusieurs employeurs ont régulièrement besoin d'une main-d'oeuvre disponible et que les risques que ces employeurs quittent le Québec à défaut d'en trouver ne pourront aller qu'en augmentant. 

M. Prévost a ajouté que les entreprises hésiteront de plus en plus à investir dans la formation de leurs travailleurs saisonniers si ceux-ci sont forcés de prendre d'autres emplois lors de période creuses.

Du côté des chômeurs, il a dit croire que l'obligation d'accepter un emploi jusqu'à 100 kilomètres de distance à salaire moindre nuira à l'établissement d'un lien d'emploi durable et dévalorisera le travail en question.

Pendant ce temps, à l'extérieur de l'hôtel où se tenaient les audiences de la commission, une coalition de centrales syndicales et de groupes sociaux manifestaient leur opposition à la réforme du gouvernement Harper et plusieurs de leurs représentants ont également défilé devant la commission.

Le discours des membres de la coalition, bien qu'appuyé sur un vocabulaire et une logique différents, faisait état des mêmes préoccupations, tout en déplorant le caractère idéologique de la réforme.