Le prix des maisons a augmenté de 41% à Vancouver depuis les dernières élections fédérales, si bien que les propriétaires immobiliers consacrent désormais plus de la moitié de leur salaire à payer leur hypothèque. Cette effervescence immobilière, influencée en partie par des acheteurs asiatiques, se transformera-t-elle en bulle immobilière? Politiciens et économistes se posent la question. Aujourd'hui, Vancouver et la Colombie-Britannique

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Istanbul n'est peut-être plus la seule métropole à s'étendre sur deux continents.

Vancouver a beau être bien ancrée en Amérique du Nord, Daniel Scarrow a souvent l'impression d'être en Asie quand il y vend des maisons. Surtout les propriétés haut de gamme de l'ouest de la ville qui sont achetées presque exclusivement par des investisseurs d'origine étrangère, souvent des immigrants fortunés de l'empire du Milieu.

«Vancouver ressemble de plus en plus à un marché immobilier asiatique en pleine croissance, dit le vice-président de Macdonald Realty, l'une des firmes immobilières les plus importantes à Vancouver. En banlieue, les prix sont normaux selon lescritères nord-américains, mais dans d'autres quartiers, le marché immobilier connaît un boom typiquement asiatique. Nos associés à Hong-Kong nous décrivent un phénomène similaire là-bas...»

Le marché immobilier de Vancouver détonne par rapport au pays. Le mois dernier, il fallait débourser en moyenne 788 207$ pour devenir propriétaire à Vancouver, comparativement à 462 615$ à Toronto et 302 521$ à Montréal. Depuis les dernières élections fédérales en octobre 2008, le prix des maisons s'est apprécié de 41,6% à Vancouver, comparativement à 31,0% à Toronto et 19,1% à Montréal.

Depuis un an, le prix des maisons à Vancouver a encore augmenté de 13,4%. Une bonne partie des nouveaux acheteurs qui font monter les prix sont des immigrants du programme fédéral d'investisseurs. «Les immigrants qui viennent s'établir chaque année à Vancouver ne sont pas des réfugiés ou des membres d'une même famille comme ailleurs au pays, dit Tsur Somerville, professeur d'immobilier à la Faculté d'administration de l'Université de la Colombie-Britannique (UBC). Ce sont en grande partie des entrepreneurs et des investisseurs.»

L'effervescence immobilière est particulièrement forte dans West Vancouver et Richmond, les deux quartiers les plus prisés des investisseurs chinois. Selon un sondage mené par Macdonald Realty, 78% des propriétés de plus de 2 millions de dollars dans West Vancouver ont été vendues à des acheteurs de l'empire du Milieu en 2010. «Deux millions, ça peut paraître beaucoup, mais un terrain sans maison dans ce coin de la ville vaut environ 1,2 million», dit Daniel Scarrow, vice-président de Macdonald Realty.

Campagne électorale ou non, le champ d'action du gouvernement fédéral sur le marché immobilier de Vancouver est fort limité. «Beaucoup de gens à Vancouver ne peuvent pas entrer dans leur propre marché immobilier, mais il y a très peu à faire pour le gouvernement fédéral, dit le député Thomas Mulcair, chef adjoint du NPD, qui compte neuf députés en Colombie-Britannique. La situation de Vancouver est particulière parce qu'elle est influencée par les marchés étrangers. Des immigrants arrivent au Canada avec beaucoup d'argent. C'est l'offre et la demande. Nous pouvons toutefois augmenter l'offre de logements sociaux pour les ménages à faible revenu.»

Le Parti libéral du Canada croit qu'un resserrement plus rapide des règles hypothécaires aurait limité la spéculation immobilière à Vancouver. «Les gens pouvaient prendre des hypothèques de 40 ans, alors ils se sont endettés davantage», dit Alexandra Mendès, députée libérale de Brossard-La Prairie depuis 2008.

La manne asiatique n'explique pas entièrement la hausse du prix des maisons dans la métropole de la Colombie-Britannique. «Les gens sont prêts à gagner un moins bon salaire pour vivre à Vancouver à cause de la qualité de vie», dit le professeur Tsur Somerville.

Selon une étude de la Banque TD, les propriétaires vancouvérois consacrent en moyenne 55% de leur revenu brut annuel à payer leur hypothèque. Les Torontois et les Montréalais y consacrent une partie deux fois plus petite de leur budget (28%). «Ça dépasse largement le seuil acceptable de 40% du revenu brut», dit Pascal Gauthier, économiste à la Banque TD, qui fait toutefois remarquer que les revenus de l'économie parallèle ne sont évidemment pas comptabilisés dans les calculs.

Si l'immobilier coûte cher à Vancouver, les experts hésitent avant de parler de bulle. «Je n'aime pas ce mot et tout ce qui vient avec», dit Tsur Somerville, professeur de UBC.

L'économiste Pascal Gauthier évite aussi de prononcer le mot maudit. «Le feu est jaune, dit l'économiste de la Banque TD. À long terme, il y aura une stagnation ou une chute du prix des maisons. Selon une série d'indicateurs économiques, l'immobilier serait surévalué de 15% à 20% à Vancouver, comparativement à 10% à 12% pour l'ensemble du pays et de 3% à 5% au Québec. Avant la crise immobilière américaine, certaines villes étaient surévaluées de 40%.»

Il faut dire que les Vancouvérois sont habitués à un marché immobilier hors de prix. En 1991, Vancouver a devancé Toronto comme ville où les maisons se vendent le plus cher au pays. Depuis, Vancouver n'a jamais perdu son titre de reine immobilière du Canada. «Les économistes ont toujours été perplexes face à notre marché immobilier, dit Daniel Scarrow, vice-président de Macdonald Realty. Sauf que cette fois-ci, c'est vrai que le prix des maisons dans certains quartiers a été particulièrement affecté par les investisseurs de la Chine. Les agents immobiliers veulent un marché stable, pas que les prix explosent pour ensuite descendre de façon aussi spectaculaire.»

Un signe d'inquiétude qui ne ment pas: la partie «asiatique» du marché immobilier vancouvérois prend de l'expansion depuis six mois. «Le même phénomène s'étend maintenant à d'autres quartiers de la ville comme Burnaby à l'est et White Rock au sud», dit Daniel Scarrow.

Pour l'instant, cette expansion géographique passe relativement inaperçue. Mais si le phénomène en vient à gagner l'ensemble de la ville, Vancouver sera le marché immobilier d'un seul continent. Celui à l'autre bout de l'océan Pacifique.

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PLATEFORME ÉLECTORALE - IMMOBLIER ET LOGEMENT SOCIAL

Parti conservateur du Canada

- Nouveau cadre législatif pour les prêts hypothécaires assurés garantis par l'État

- Le gouvernement fédéral finance déjà 253 millions de dollars par année au cours des trois prochaines années pour le logement social en vertu des programmes existants.

- Le Parti conservateur du Canada n'a pas donné suite à notre demande d'entrevue.

Parti libéral du Canada

- Bonifier les programmes existants de la SCHL

- Augmenter le financement de logements sociaux de 550 millions par année au cours des deux premières années «Les conservateurs ont permis de hausser les hypothèques de 25 ans à 40 ans à leur arrivée au pouvoir en 2006. Ils se sont rendu compte de leur erreur, mais ils ont permis à des personnes d'accéder à des maisons plus chères que ce qu'elles pouvaient peut-être se permettre.»

- Alexandra Mendès, candidate du Parti libéral du Canada et députée de Brossard-La Prairie depuis 2008

Bloc québécois

- Hausser progressivement de 2 milliards par année la contribution fédérale dans la construction de logements sociaux

- Construire des logements sociaux avec les surplus de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) «Nous aimerions aussi un crédit d'impôt ou une subvention directe pour les acheteurs de première maison. Au Québec, la proportion de propriétaires immobiliers est plus faible que la moyenne canadienne (59% contre 67%).»

- Pierre Paquette, candidat du Bloc québécois et député de Joliette depuis 2000

NPD

- Investir 100 millions par année durant cinq ans dans un nouveau programme de logements sociaux «Il faut encourager la création de logements sociaux. Construire davantage de logements sociaux donnera un coup de main aux ménages à faible revenu.»

- Thomas Mulcair, candidat du NPD et député d'Outremont depuis 2007