L'Allemagne s'est réveillée en colère mercredi, après la décision du constructeur américain General Motors de restructurer sa filiale automobile Opel plutôt que la vendre, comme prévu, à la canadienne Magna International. Berlin réclame à GM le remboursement d'un prêt-relais de 1,5 milliard d'euros (environ 2,35 milliards CAN), tandis que les syndicats appellent à la grève pour protester contre la restructuration.

Pour le gouvernement et les syndicats allemands, la vente d'Opel constituait la meilleure solution pour préserver des emplois. Mais après des mois de tractations, le conseil d'administration de General Motors a finalement annoncé mardi renoncer à vendre sa filiale allemande.

Le chef de la direction du géant de Detroit, Fritz Henderson, invoque une amélioration de la santé financière de l'entreprise et de l'environnement des affaires en Europe.

L'équipementier automobile canadien Magna et la banque russe Sberbank avaient été choisis en septembre dernier pour reprendre Opel et la filiale britannique de GM, Vauxhall, en grande difficulté financière. Mais General Motors était toujours propriétaire d'Opel, le transfert effectif des activités n'ayant pas encore été réalisé.

Magna et Sberbank auraient dû prendre le contrôle de 55% du capital du constructeur allemand, GM n'en conservant que 35% et les employés d'Opel en obtenant 10%. L'option Magna-Sberbank avait été validée par le gouvernement de la chancelière Angela Merkel, qui avait promis de débloquer un financement relais de 1,5 milliard d'euros pour maintenir Opel à flot et une offre de crédit supplémentaire de 4,5 milliards d'euros (7 milliards CAN) pour finaliser le contrat.

«Nous récupérerons l'argent du contribuable», a déclaré mercredi le ministre de l'Économie, Rainer Bruderle. Il a fustigé la décision «totalement inacceptable» de GM et invité le constructeur américain à faire connaître «aussi vite que possible» le détail de son plan de restructuration. «Si on nous le demande, GM remboursera le prêt-relais en question», a assuré une porte-parole de GM Europe, Karin Kirchner.

La principale centrale syndicale allemande, IG Metall, et le représentant des salariés d'Opel, Klaus Franz, ont annoncé des mouvements de grève pour protester contre la restructuration. «Nous n'aiderons pas General Motors» à y contribuer, a prévenu M. Franz, qui parle d'un «jour noir» pour les salariés d'Opel.

Ceux-ci, a-t-il ajouté, ne céderont pas au «chantage» et reviendront sur les concessions faites pour favoriser la vente à Magna. Les syndicats d'Opel s'étaient entendus avec l'équipementier canadien pour une réduction des coûts de 265 millions d'euros (415 millions CAN) par an. Les salariés ont ainsi accepté un gel des salaires jusqu'à 2011 et de renoncer aux primes versées à l'occasion de Noël et des vacances d'été. Des arrêts de travail auront lieu à partir de jeudi, a ajouté M. Franz.

Le président d'IG Metall, Berthold Huber, a également dénoncé la décision «invraisemblable» de General Motors. «Des années d'erreur de gestion de General Motors ont conduit Opel à cette situation difficile. Dès lors, GM n'apportera vraisemblablement pas de solution viable», a-t-il estimé.

Jurgen Ruttgers, ministre-président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Nord-Ouest), s'est joint aux critiques contre la décision de General Motors et a promis de se battre pour sauvegarder les emplois de l'usine de Bochum, où Opel produit les modèles Astra et Zefira. «Après de nombreuses promesses et des mois de négociation, la direction du GM a abandonné les salariés», une attitude «totalement inacceptable», qui «révèle le visage hideux du turbo-capitalisme», a-t-il dit.

Opel compte plus de 25 000 salariés en Allemagne. GM Europe, qui emploie environ 50 000 personnes, se classe quatrième pour les ventes en Europe, derrière Volskwagen, PSA et Ford Motor, selon l'Association des constructeurs automobile européens. GM Europe commercialise en Europe les marques Cadillac et Chevrolet, et produit les Vauxhall en Grande-Bretagne.