À la veille du dépôt de son budget, le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a un tableau de bord peu réjouissant devant lui : l’économie et l’emploi font du surplace depuis plusieurs mois et aucune amélioration n’est en vue, de l’avis de nombreux observateurs.

Statistique Canada rapporte 8800 emplois de plus au Québec en février, après une perte de 7500 emplois le mois précédent.

Le taux de chômage est passé de 4,5 % en janvier à 4,7 % en février. Il était de 4,1 % il y a un an. Dans la région métropolitaine de Montréal, le taux de chômage a diminué de 0,1 point de pourcentage, à 5,6 %.

Depuis la fin de 2023, le marché de l’emploi québécois fait du surplace, constate Florence Jean-Jacobs, économiste principale de Desjardins. « Le quatrième trimestre n’avait vu aucun gain d’emploi et la somme des deux premiers mois de l’année est près de zéro », souligne-t-elle.

Desjardins prévoit que le taux de chômage augmentera encore, pour atteindre 5,6 % cette année.

La hausse de 0,1 point de pourcentage du taux de chômage en février contrebalance la baisse du même ordre enregistrée en janvier. Le taux de chômage est passé de 5,1 % à 5,8 % entre avril 2023 et novembre 2023, et il a peu varié depuis.

Le nombre de chômeurs est maintenant supérieur au nombre de postes vacants au Québec depuis le milieu de 2023, et l’augmentation des salaires a ralenti considérablement. Selon Statistique Canada, le salaire horaire moyen a augmenté en février à un rythme annuel de 5 % au Canada, tandis que la hausse a été de 3,3 % au Québec.

La stagnation de l’emploi reflète l’extrême faiblesse de l’économie du Québec, qui a enregistré deux trimestres négatifs consécutifs à la fin de 2023, ce qui est la définition d’une récession technique. Les données du dernier trimestre ne sont pas encore officielles, mais l’économie québécoise devrait clore 2023 avec une croissance nulle.

Un portrait « trompeur »

Comme au Québec, les embauches ont continué d’augmenter au Canada à un rythme supérieur aux attentes des économistes. L’économie canadienne a ajouté 40 700 emplois en février, après une augmentation de 37 000 en janvier.

Comme c’est le cas au Québec aussi, les nouveaux emplois s’ajoutent à un rythme moins rapide que la croissance de la population, et le taux de chômage a augmenté de 5,7 % en janvier à 5,8 % en février.

Une bonne partie des nouveaux emplois qui se sont ajoutés en février concernent des travailleurs autonomes, ce qui fait dire à l’économiste de Desjardins Marc Desormeaux que le marché de l’emploi est moins en santé qu’il n’en a l’air.

Le rythme de croissance de l’emploi demeure un indice trompeur, car la croissance de la population a encore une fois dépassé la création nette d’emplois.

Marc Desormeaux, économiste chez Desjardins

Tout n’est pas négatif dans le dernier bulletin de santé de l’emploi au Canada. Les économistes Mathieu Arseneau et Alexandra Ducharme, de la Banque Nationale, notent que les emplois créés en février étaient surtout des emplois à temps plein. Le nombre d’heures travaillées est aussi en hausse.

Ils soulignent toutefois que l’emploi est en baisse dans le secteur privé et que l’important rebond des faillites d’entreprises en janvier « témoigne d’un environnement plus difficile pour les entreprises et ne suggère pas une amélioration des embauches, au contraire ».

Les économistes de la Banque Nationale prévoient que le taux de chômage grimpera jusqu’à 7 % cette année.

Le portrait du marché de l’emploi en février ne devrait pas faire dévier la Banque du Canada de sa trajectoire. Le taux de chômage augmente, mais il reste à un niveau historiquement bas. La hausse du salaire horaire moyen, à 5 %, continue de préoccuper les autorités monétaires qui veulent ramener l’inflation à la cible de 2 %. L’indice des prix à la consommation s’affichait à 2,9 % en janvier (dernières données disponibles).

La banque centrale a maintenu son taux directeur à 5 % cette semaine et affirmé qu’il était trop tôt pour envisager de le réduire. La baisse très attendue des taux d’intérêt, que certains économistes prédisaient pour le printemps, n’arrivera vraisemblablement pas avant l’été.