Les gouvernements qui sont actuellement en pleine saison des budgets font face à des choix difficiles. C’est particulièrement vrai cette année. La nécessité de se mettre au régime après des années de bombance paraît incontournable.

Les pays qui ont ouvert les vannes pour combattre l’impact de la pandémie et l’inflation qui a suivi font face aujourd’hui à un endettement élevé et à des taux d’intérêt qui rendent la dette plus coûteuse. En même temps, le ralentissement économique généralisé réduit les entrées de revenus dans les coffres.

On pourrait croire qu’on se dirige vers un mur… mais non. En fait, le mur est là, mais il se dresse surtout devant les économies émergentes, qui n’arrivent plus à se financer et à rembourser leurs dettes en raison de la hausse des taux d’intérêt. Pour plusieurs de ces pays, c’est assez simple : il n’y a plus d’argent et il n’y a plus moyen de s’endetter davantage, alors il faut couper. L’exemple de l’Argentine et de son président à la tronçonneuse en est une illustration éloquente.

Pour les pays riches, même lourdement endettés, rajouter des dettes sur la pile est encore possible, et c’est ce qu’on observe pas mal partout. En France, le niveau des dépenses publiques est en train de rattraper celui qu’il avait atteint pendant la pandémie, où il fallait tout faire pour limiter les dégâts. « Quoi qu’il en coûte » était le mot d’ordre.

La France n’est pas le meilleur élève de l’Union européenne en matière de finances publiques et elle a souvent été rappelée à l’ordre. Le gouvernement français vient d’annoncer que des économies de 10 milliards d’euros (14,7 milliards CAN) doivent être trouvées d’ici la fin de l’année, ce qui cause tout un émoi dans l’Hexagone.

L’Italie a mis une pancarte « À vendre » sur les chemins de fer et la poste de l’État pour trouver 20 milliards d’euros d’ici 2026 afin de freiner son endettement, le deuxième en importance d’Europe, après la Grèce.

Même la très disciplinée Allemagne, où le déficit budgétaire annuel est limité par la Constitution à 0,35 % du produit intérieur brut, fait face à des restrictions budgétaires sévères. Ce frein budgétaire, qui avait été suspendu à cause de la pandémie et de la guerre en Ukraine, a été réactivé par la Cour constitutionnelle du pays à la fin de l’année dernière, et celle-ci a décrété que les dépenses extraordinaires engendrées par la crise de la COVID-19 devaient être ajoutées au déficit qui, de ce fait, augmente l’endettement du pays au-delà de la limite fixée par la loi.

Pour l’Allemagne, le retour du frein sur les dépenses publiques arrive au pire moment. La première économie d’Europe est à genoux, minée par la hausse des prix de l’énergie, la baisse de ses exportations et la hausse des taux d’intérêt. Des grèves et des manifestations comme on en a rarement vu dans le pays se multiplient, au point que la règle d’or allemande qui encadre les dépenses publiques est remise en question.

Il faut réfléchir à l’élimination de cette barrière, dit maintenant publiquement le ministre de l’Économie, Robert Habeck, qui estime que cette limite auto-imposée est devenue un frein à l’investissement et à la croissance en Allemagne.

Paroles, paroles

Il faudra voir si les intentions de restrictions seront suivies de résultats. À part l’Allemagne, championne de l’orthodoxie budgétaire, la plupart des pays n’ont jamais respecté le corset budgétaire européen qui limite les déficits à 3 % du PIB et l’endettement à 60 % du PIB.

Le mot « austérité » n’est pas prononcé souvent de ce côté-ci de l’Atlantique. Ce n’est pas parce qu’on n’en a pas besoin. La nécessité de réduire les dépenses et l’endettement après des années débridées est tout aussi présente qu’en Europe.

Aux États-Unis, où la banque centrale est à la manœuvre pour combattre l’inflation, les milliards de fonds publics sortent de partout avec l’Inflation Reduction Act, qui pourrait bien avoir l’effet inverse de celui recherché, soit la persistance de l’inflation plutôt que sa réduction.

Les États-Unis continuent de s’endetter et réussissent à financer leurs dettes sans problème, malgré les mises en garde épisodiques des agences de crédit. La dette augmente plus rapidement que l’économie et le président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, s’en est inquiété récemment.

La dette publique des États-Unis est insoutenable à long terme et il est urgent d’y remédier, a-t-il dit en entrevue à la télévision américaine. Des paroles vite enterrées dans le tumulte d’une année électorale.