(Ottawa) Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, s’enthousiasme quand il consulte la liste des projets et des investissements privés qui ont abouti au Canada au cours des 12 derniers mois. Il ne manque d’ailleurs pas d’images fortes pour traduire en mots ce que cela représente pour le pays.

« On a gagné la Coupe Stanley des investissements en 2023 ! Soyons-en fiers », s’exclame le ministre en entrevue avec La Presse, toujours aussi débordant d’énergie malgré l’horaire chargé qu’il s’impose et qu’il impose à son équipe de proches collaborateurs et à l’ensemble de son ministère, et ce, malgré une session parlementaire des plus mouvementées.

Assis dans la petite salle de conférences qui jouxte son bureau ministériel et qui offre une vue appréciable de la colline du Parlement, François-Philippe Champagne énumère d’un trait les projets totalisant des milliards de dollars en investissements dans des secteurs qu’il juge névralgiques pour la prospérité du pays.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

« Northvolt, c’est le plus grand investissement privé dans l’histoire du Québec », dit le ministre.

Certes, ces investissements « générationnels » ont vu le jour grâce à une concertation des gouvernements au Québec et en Ontario, entre autres. Mais si Ottawa a décidé de délier le cordon de sa bourse pour convaincre Northvolt de s’établir à Saint-Basile-le-Grand et McMasterville, pour s’assurer que Stellantis modernise ses usines à Windsor et pour persuader Volkswagen de s’installer à St. Thomas, c’est parce qu’il fallait le faire, selon lui, pour attirer les acteurs importants et relancer une industrie de l’automobile en fort déclin.

« 2023, c’est l’année des grands investissements. Northvolt, c’est le plus grand investissement privé dans l’histoire du Québec. On a fait entrer le Québec dans l’industrie automobile par la grande porte. C’est du jamais vu. C’est important. Les grandes chaînes d’approvisionnement, c’est l’industrie automobile. C’est cela qui manquait au Québec », a exposé le ministre.

C’est une avancée majeure. On a transformé le portrait économique du Québec pour les générations à venir. Les gens vont vraiment comprendre l’ampleur de ce qui s’est produit en 2023 dans 10 ans. C’est un peu comme quand les usines de pâtes et papier ou les usines d’aluminerie sont arrivées chez nous.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

À ce tour d’horizon, le ministre ajoute les investissements de près de 9 milliards de dollars de Dow Chemicals, confirmés en novembre, afin de construire une usine d’éthylène à zéro émission nette, à Fort Saskatchewan, en Alberta. Le coup de pouce financier d’Ottawa s’élève à 400 millions de dollars, sous forme de crédits d’impôt à l’investissement propre – une mesure annoncée dans le dernier budget fédéral.

Il souligne aussi en exemple la récente décision du géant australien de l’industrie minière, BHP, d’investir 6,4 milliards de dollars pour la construction de la deuxième phase d’une mine de potasse à Jansen, située à 140 kilomètres à l’est de Saskatoon. Cette mine de BHP est en passe de devenir la plus grande mine de potasse au monde.

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Visite de l’usine de batteries E-One Moli Energy, à Maple Ridge, en Colombie-Britannique

Résultat : le Canada se retrouve maintenant au troisième rang des investissements étrangers en 2023, derrière les États-Unis et le Brésil, pour la première fois de son histoire, selon une récente compilation de l’OCDE.

« Ce sont des investissements dont les retombées seront mesurées sur plusieurs générations. Quand des entreprises parmi les plus grandes au monde choisissent le Canada pour faire des investissements parmi les plus gros de leur histoire, c’est parce qu’ils ont confiance dans le Canada », a dit le ministre.

Il a souligné que le Canada a des atouts historiques, notamment la stabilité, la prévisibilité et la primauté du droit. Mais à cette liste, il faut ajouter la main-d’œuvre qualifiée, les écosystèmes existants, la proximité des grands marchés, l’abondance des minéraux critiques et l’énergie verte – le « dividende de monsieur [Robert] Bourassa ».

La multiplication des investissements fédéraux pour attirer les grandes entreprises étrangères a provoqué un débat au cours des derniers mois quant à l’opportunité d’utiliser les fonds publics à cette fin. Pourquoi ne pas utiliser ces milliards pour consolider le système de santé, par exemple, ou retaper nos routes ?

À ce sujet, le ministre Champagne estime que le choix était clair. Alors qu’Ottawa devait faire face au déclin de l’industrie automobile au Canada, le gouvernement fédéral devait sauter sur une occasion qui ne se présente pas tous les six mois.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

François-Philippe Champagne

Quand je suis rentré en poste ici, on nous préparait pour le déclin de l’industrie automobile. Là, on est dans la croissance la plus importante de l’histoire du Canada dans ce secteur.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

« Il fallait saisir l’opportunité parce que la fenêtre, elle était de 12 à 18 mois. Une fois que Volkswagen décide de faire sa plus grande usine en dehors de l’Allemagne et qu’elle choisit le Canada, il n’y en aura pas une autre en Amérique du Nord », a argué le ministre, affirmant que c’est la même logique qui s’applique à Northvolt, qui a opté pour le Québec et non la Californie.

« Il fallait saisir ces opportunités. Si on ne les avait pas saisies, ces usines-là seraient allées dans le sud des États-Unis. Il fallait saisir la balle au bond parce que dans six mois, toutes ces décisions sont prises. Une usine de 10 milliards, tu n’en construis pas deux en Amérique du Nord. »

En entrevue, M. Champagne étoffe son argument. Sans l’intervention d’Ottawa et des provinces, c’est toute l’économie canadienne qui en aurait souffert, ainsi que le financement des programmes sociaux dont dépendent les Canadiens.

« Regardez ce qui se passe au sud de la frontière, aux États-Unis, avec l’IRA. Il y a une nouvelle théorie économique. Les gouvernements doivent faire partie de l’équation parce qu’ultimement, le risque, c’était de s’appauvrir sur le plan économique. »

La campagne de séduction que mène avec succès le ministre François-Philippe Champagne auprès des grandes entreprises fait d’ailleurs des envieux… à Washington. Il y a quelques semaines, le site Politico lui a consacré un texte dithyrambique de six pages. Le titre du reportage disait tout. « Comment le vendeur en chef de Trudeau a réussi à déjouer l’Amérique ».

Lisez l’article de Politico (en anglais)