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Pourriez-vous m’éclairer ? Pourquoi devons-nous payer pour décontaminer des terrains qui appartiennent ou appartenaient à de grandes pétrolières qui font des profits énormes ? Il existe pourtant des lois concernant la responsabilité des pollueurs. – René Cyr, Repentigny

Plusieurs lecteurs ont réagi à notre article paru le mardi 14 novembre portant sur la création par Québec au coût de 100 millions de la Société de mise en valeur des terrains dans l’est de Montréal pour acquérir, décontaminer et revendre les terrains industriels contaminés. Fondaction en assurera la gestion.

Lisez l’article « Québec prend en charge la décontamination des terrains industriels »

Les premiers efforts du nouvel organisme seront concentrés sur l’immense terrain d’au moins 650 000 mètres carrés, propriété de la pétrolière Esso, situé à Montréal-Est. Par sa taille et par son emplacement entre les rues Sherbrooke et Notre-Dame, sa revitalisation est essentielle au réaménagement de l’est du territoire.

Mais pourquoi n’est-ce pas Esso qui paie pour nettoyer ses propres dégâts ? Essentiellement, Esso, qui a fermé sa raffinerie de Montréal-Est en 1983, profite d’une clause de droits acquis, comprend-on.

« Esso n’a pas été tenue de réhabiliter son terrain, car les installations ont été démantelées avant l’entrée en vigueur de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), en 2003 », répond par courriel Linda Soh, analyste aux communications à la Ville de Montréal-Est.

« Ce qui n’est pas le cas de Shell [fermeture de sa raffinerie en 2010], poursuit-elle. Lors du démantèlement de l’ancienne raffinerie Shell à Montréal-Est, le terrain devait faire l’objet d’un plan de réhabilitation en vertu de la LQE, puisque le démantèlement a été effectué après 2003. »

Une première politique

Le droit environnemental est relativement jeune au Québec. Les premiers efforts remontent à 1972 avec la première mouture de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), qui ne comprenait à l’époque aucune disposition sur les terrains contaminés, indique l’essai préparé par Stefanie Wlodarczyk en janvier 2021, intitulé Évaluation du régime juridique encadrant les terrains contaminés, dans le cadre de ses études de maîtrise en environnement à l’Université de Sherbrooke.

La réhabilitation des sols contaminés fait l’objet d’une première politique en 1988, mais celle-ci est non contraignante.

Le principe du pollueur-payeur apparaît dans le projet de loi 65, sanctionné le 22 juin 1990. Il constitue un premier effort visant à intégrer dans la LQE des règles sur les sols contaminés. « Le succès est mitigé : la majorité des articles du projet de loi ne sera jamais proclamée en vigueur », a écrit MJean Piette en 2015 à l’occasion d’un colloque intitulé « La modernisation du régime d’autorisation environnementale ».

La politique de réhabilitation des sols contaminés est modernisée en 1998, mais l’approche retenue dans cette seconde politique reste fondée sur la souplesse, « l’adhésion étant fondée sur le volontariat, conformément à l’approche privilégiée de cette époque », souligne Mme Wlodarczyk dans son essai.

La réforme de 2003

Il faut attendre le projet de loi 72, présenté en décembre 2001 et adopté au printemps 2002, pour voir le gouvernement du Québec se donner le pouvoir de contraindre le pollueur de décontaminer sa propriété. En parallèle, le gouvernement a adopté une série de règlements contraignants en matière de gestion des terrains contaminés après l’entrée en vigueur du PL 72 le 1er mars 2003.

« L’article 31.43 habilite le ministre à ordonner l’élaboration d’un plan de réhabilitation et d’un calendrier d’exécution à l’égard d’un terrain. Cette disposition donne de larges pouvoirs au ministre et lui permet d’exiger la réhabilitation d’un terrain », donne en exemple Stefanie Wlodarczyk.