Une première en 36 ans, le Québec vient de gagner une région métropolitaine, la septième de la province. Drummondville savoure sa revanche.

Sans crier gare, Drummondville et les municipalités voisines ont décroché le statut de région métropolitaine de recensement (RMR), c’est-à-dire une région de plus de 100 000 habitants.

Le Québec comptait jusqu’alors six RMR : Montréal, Québec, Gatineau, Saguenay, Trois-Rivières et Sherbrooke. Il s’agit du premier ajout à ce club sélect depuis Sherbrooke en 1986, précise Statistique Canada.

Une RMR est formée d’un noyau populeux entouré de municipalités adjacentes ayant un degré d’intégration élevé avec le noyau, notamment en ce qui a trait aux déplacements entre la maison et le travail. Le tout forme un tout cohérent où habitent au moins 100 000 personnes.

Situé dans le Centre-du-Québec, Drummondville est située à mi-chemin entre Montréal et Québec sur l’autoroute 20, principal axe routier de la province.

Loin d’être une appellation bureaucratique sans impact, ce statut est l’aboutissement de 40 ans de travail et la confirmation de son spectaculaire redressement économique. Mieux, une reconnaissance institutionnelle qui ouvre de nouveaux horizons.

« Comme économiste, on se concentre davantage sur les grands centres quand vient le temps de prendre le pouls économique du Québec », explique Maëlle Boulais-Préseault, économiste chez Desjardins qui a signé le plus récent portrait régional de la région Centre-du-Québec.

  • La région de Drummondville a récemment franchi le cap des 100 000 habitants

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    La région de Drummondville a récemment franchi le cap des 100 000 habitants

  • Les quartiers de la Société de développement économique de Drummondville (SDED), en bordure de l’autoroute 20

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Les quartiers de la Société de développement économique de Drummondville (SDED), en bordure de l’autoroute 20

  • Le centre-ville

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    Le centre-ville

  • Le centre-ville

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    Le centre-ville

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« Ce n’est pas banal de dire que l’on se retrouve dans les régions métropolitaines comme Montréal et Québec », se réjouit la mairesse Stéphanie Lacoste, au téléphone.

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La mairesse de Drummondville, Stéphanie Lacoste.

J’y vois un reflet de tout ce qui a été accompli.

Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville

« C’est intéressant de voir cet accomplissement reconnu, d’autant plus que ça va nous permettre d’avoir des meilleures données. Administrativement, quand nos équipes travaillent, on va pouvoir avoir de meilleures données pour la prise de décisions, pour planifier des projets et pour aménager le territoire. »

Le statut nourrit l’ambition

Drummondville a souvent été un entre-deux. Par exemple, les médias régionaux ou nationaux couvrent son actualité sporadiquement, à partir de Sherbrooke ou de Trois-Rivières. Elle n’a aucun quotidien écrit bien que les médias locaux L'Express et le Vingt55 assurent une couverture continuelle sur le Net. Sa ville n’a pas d’université en titre contrairement aux autres RMR, bien qu’elle dispose d’un campus de UQTR depuis 2016.

Ville universitaire récente
  • Le campus de l’UQTR à Drummondville a été ouvert en 2016.

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    Le campus de l’UQTR à Drummondville a été ouvert en 2016.

  • Vue sur un pavillon de l’UQTR

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    Vue sur un pavillon de l’UQTR

  • Le nouveau complexe sportif jouxtant l’UQTR

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    Le nouveau complexe sportif jouxtant l’UQTR

  • Le Centre national intégré du manufacturier intelligent (CNIMI), inauguré en 2022

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Le Centre national intégré du manufacturier intelligent (CNIMI), inauguré en 2022

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D’ailleurs le seul groupe d’âge où le solde migratoire est négatif est le groupe des 20 à 24 ans, souligne l’économiste de Desjardins, l’âge auquel on entre l’université.

Maëlle Boulais-Préseault, économiste chez Desjardins

Ça pourrait changer si on y bonifiait l’offre universitaire », avance-t-elle.

Au chapitre des revendications, la région se mobilise pour la rénovation de son hôpital jugé désuet. « On est en démarche pour avoir un nouvel hôpital régional avec des formations universitaires, dit la mairesse Lacoste. On veut que l’hôpital serve de porte d’entrée dans l’attraction des professionnels de la santé. Avec un volet universitaire, les jeunes du domaine viendraient étudier ici et pourvoir les postes disponibles. »

Revenir de loin

La « ville la plus drôle du Québec », comme l’avait surnommée le défunt magazine satirique Croc, revient de loin.

Mono-industrielle à l’époque, Drummondville a assisté impuissante à la fermeture de ses usines de textiles dans les décennies 1950 à 1970, frappée de plein fouet par la désindustrialisation comme les Sorel-Tracy et Salaberry-de-Valleyfield.

Selon des chiffres colligés par le professeur émérite Mario Polèse de l’INRS Urbanisation, 90 % des emplois manufacturiers de la ville étaient concentrés dans le textile en 1971. La plupart de ces emplois ont disparu subséquemment avec l’abandon des barrières tarifaires.

Au début des années 1980, en caricaturant, Drummondville était connue comme le lieu d’une halte routière entre Montréal et Québec, pour le Village québécois d’antan et pour son festival international de folklore (devenu le Mondial des Cultures, lequel a cessé d’exister en 2017).

Puis, c’est le début de la prise en main de son destin : création de la Société de développement économique de Drummondville (SDED) en 1984, élection de Francine Ruest-Jutras à la mairie et éclosion de fleurons économiques.

Aujourd’hui, les Drummondvillois fabriquent des produits électriques (Siemens), des produits d’hygiène corporels (Essity/Tena et Fempro), des autobus scolaires (MicroBird Girardin), des membranes d’étanchéité (Soprema), du cartons-caisse (Cascades), des hottes de cuisine (Venmar), des chenilles en caoutchouc (Groupe Soucy), des composants de transmission de puissance mécaniques et hydrauliques (Canimex) et du bacon (Olymel).

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Vue aérienne du secteur industriel de Drummondville, de part et d’autre de l’autoroute 20

« Il y a une capacité de concertation qu’on ne voit pas ailleurs, dit, admiratif, le professeur Frédéric Laurin, qui enseigne au programme MBA de l’UQTR. Les entreprises locales ont allongé plusieurs millions pour le campus de l’UQTR à Drummondville et pour le CNIMI [Centre national intégré du manufacturier intelligent], centre de transfert et de recherche qui a pour mission de vulgariser le manufacturier 4.0 au sein des PME. » Quelque 2000 étudiants poursuivent leur parcours universitaire dans le Centre-du-Québec.

« Graduellement, les entreprises manufacturières en expansion ont réussi à attirer des gens d’ailleurs, poursuit le professeur. Les postes sont tellement intéressants que ça a attiré toutes sortes de profils à Drummondville, malgré sa réputation quelconque. »

Rira bien qui rira le dernier, dirait-on.

Dates marquantes

1950-1970
Déclin de l’industrie du textile avec des fermetures d’usines en série

1979
Parution du premier numéro de la revue satirique Croc, qui fait de la ville sa tête de Turc

1984
Création de la Société de développement économique de Drummondville

1984
Ouverture de la première usine de Soprema (environ 600 emplois en 2023)

1987
Élection à la mairie de Francine Ruest-Jutras. Elle y restera 26 ans

1997
Le Centre-du-Québec devient une région administrative autonome

2006
Inauguration du tronçon de l’A55 au nord de l’A20, permettant de relier Trois-Rivières à Drummondville

2016
Ouverture du campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

2022
Ouverture du deuxième pavillon universitaire, le Centre national intégré du manufacturier intelligent (CNIMI)

2023-2028
Doublement des voies de l’A55, entre Sainte-Eulalie, au sud, et Bécancour, au nord

Lisez « Les vecteurs d'une renaissance »