Comment « la ville la plus drôle du Québec » s’est-elle transformée en locomotive économique et en ville universitaire ? Explication en cinq volets.

Situation avantageuse

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Vue aérienne du nouveau quartier résidentiel Le Vigneron

« C’est une ville qui est très bien située, au centre entre Montréal et Québec, indique Danielle Pilette, professeure associée à l’UQAM et experte de la gestion municipale. L’exportation aux États-Unis est aussi possible [avec l’A55]. Surtout, elle bénéficie de la croissance démographique que l’on observe à l’extérieur de la région métropolitaine de Montréal. Il y a un marché pour la faible densité. À Drummondville, pour des raisons historiques, le cadre bâti est relativement modeste et le prix d’un logement, encore aujourd’hui, est abordable. Ça joue beaucoup dans la croissance de l’habitation. » Le prix médian y est de 325 000 $, comparativement à 400 000 $ à Saint-Hyacinthe, 430 000 $ à Saint-Amable et 510 000 $ à Belœil, selon les données de Centris.

L’exemple des frères Lemaire

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Grâce aux frères Lemaire, l’entreprise Cascades a vu le jour en 1964 à Kingsey Falls, à moins de 50 kilomètres de Drummondville.

Au moment où les usines de textiles fermaient, la famille Lemaire, originaire de Drummondville, rouvrait des manufactures dans le papier et le carton. Cascades a vu le jour en 1964 à Kingsey Falls, à moins de 50 kilomètres de Drummondville. À l’image d’un Joseph-Armand Bombardier ou d’un Hervé Pomerleau qui a donné le goût de l’entrepreneuriat à toute la Beauce, les frères Lemaire ont montré le chemin à suivre pour les Gilles Soucy (Groupe Soucy en 1967) et Roger Dubois (Canimex en 1969). Cinquante-cinq ans plus tard, Soucy compte plus de 1000 employés et Canimex, plus de 800. Pour sa part, Cascades exploite toujours des installations dans la ville fondée en 1815 en l’honneur du gouverneur Gordon Drummond.

Creuset fertile

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L’entreprise Soprema est installée à Drummondville depuis 1984

Son passé de ville ouvrière a nourri sa renaissance, croit Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Un emploi sur cinq à Drummondville est de nature manufacturière actuellement. L’un des ratios les plus élevés au Québec. Le secteur secondaire de l’économie a pu se construire sur les vestiges laissés par le textile, « des ouvriers habitués au travail en usine avec des salaires relativement bas », souligne M. Laurin, qui enseigne au programme du MBA tant à Trois-Rivières qu’au campus de Drummondville. En 2022, le salaire médian dans le Centre-du-Québec est pratiquement inférieur de 3 $ à la médiane provinciale.

L’héritage de Mme Ruest-Jutras

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Francine Ruest-Jutras, à l’hôtel de ville de Drummondville, en novembre 2008

« La réputation de Drummondville en tant qu’environnement propice aux affaires n’est pas le fruit du hasard, écrit le professeur Mario Polèse dans un ouvrage portant sur la richesse des villes paru en anglais en 2020 aux Presses universitaires d’Oxford. Derrière chaque homme qui réussit (si on peut me pardonner l’analogie), il y a une femme, en l’occurrence Francine Ruest-Jutras, mairesse pendant les années cruciales où Drummondville est passée de ville mono-industrielle à centre manufacturier diversifié. Sous son administration, la ville a acquis la réputation d’une municipalité exempte de scandales, gérée efficacement et dont les impôts fonciers sont parmi les plus bas de la province. » L’ouvrage qui répertorie les forces et faiblesses d’une vingtaine de métropoles comme New York, Mexico, Toronto, Paris et Vienne consacre six pages au miracle Drummondvillois. Ses successeurs à l’hôtel de ville ont pris soin de cet héritage. La charge fiscale moyenne et l’endettement total y demeurent à ce jour inférieurs à la moyenne provinciale.

Un budget annuel de 12 millions au développement économique

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Les bureaux de la Société de développement économique de Drummondville (SDED)

Proactive, la Société de développement économique de Drummondville (SDED) s’est démarquée tout au long de son histoire, notamment sous le leadership de Martin Dupont, patron de 1996 à 2021. Marque de reconnaissance, le gouvernement québécois a mandaté la SDED pour recruter à l’étranger au même titre que Montréal International et Québec international. Dernièrement, la SDED, qui dispose d’un budget annuel de 12 millions et d’un effectif de 60 personnes, cherche moins à démarcher des entreprises qu’à recruter des talents. Avec succès, 201 travailleurs internationaux se sont établis dans la MRC de Drummond en 2022, en provenance de Tunisie, de France, du Maroc, du Cameroun, de Colombie et du Mexique. Huit missions de recrutement sont au programme d’ici juin 2024, en Afrique de l’Ouest et au Brésil, par exemple. Vingt employés se consacrent exclusivement aux ressources humaines en offrant aux PME un service clés en main d’attraction et de recrutement de main-d’œuvre, explique Julie Biron, sa directrice de l’attraction et développement de la main-d’œuvre.

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