Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Une question qui me taraude depuis un bout de temps : à quoi servent les firmes de notation financière comme les américaines Moody’s et S&P dans l’économie ? Aussi, pourquoi ont-elles autant d’influence sur les politiques budgétaires et la gestion financière de nos gouvernements ?
– J.-F. Couture

Pour répondre à ces questions, La Presse a fait appel à Louis Lévesque, économiste financier de carrière et ex-cadre supérieur aux ministères des Finances à Québec et à Ottawa. M. Lévesque est président du Comité des politiques publiques à l’Association des économistes québécois (ASDEQ).

« Ce que font les firmes de notation financière, pour l’essentiel, c’est une évaluation de la qualité du crédit des gros emprunteurs et des émetteurs de titres de dette comme les obligations. Il s’agit aussi d’une évaluation du risque de défaut de paiement à l’intention des prêteurs financiers et des investisseurs en titres de dette dans les marchés financiers », explique Louis Lévesque.

Cette fonction des firmes de notation financière concerne autant les grandes entreprises du secteur privé que les gouvernements et leurs principales sociétés d’État qui émettent des titres de dette pour se financer.

À partir d’analyses détaillées des états financiers et des plans budgétaires de ces gros emprunteurs, les firmes de notation financière leur attribuent une cote de crédit dans une échelle qui s’étend de la meilleure cote de niveau AAA, accordée aux emprunteurs de la plus haute qualité financière, jusqu’à la pire cote de D, qui est attribuée aux emprunteurs insolvables et en défaut de paiement sur leurs emprunts ou leurs titres de dette.

Ensuite, ces cotes de crédit attribuées par les firmes de notation financière servent de repère aux prêteurs et aux investisseurs en titres de dette pour déterminer leurs frais de financement aux emprunteurs en fonction de leur profil de risque.

Ces frais de financement comprennent le taux d’intérêt et les conditions d’emprunt (actifs en garantie, délai de paiement, échéance, etc.) demandées à un emprunteur.

Risque sur la valeur marchande

Par ailleurs, la variation des cotes de crédit accordées à un emprunteur d’importance peut affecter la valeur marchande de ses titres de dette (obligations) émis dans les marchés financiers.

Par exemple, une dégradation de la cote de crédit d’une entreprise ou, plus rare, d’un gouvernement provoque habituellement une perte de valeur de ses titres de dette déjà en marché.

Si elle perdure, cette perte de valeur marchande peut se répercuter ensuite par une hausse du rendement en taux d’intérêt demandé par les acheteurs de leurs prochaines émissions de titres de dette.

« Pour les gouvernements qui empruntent et qui émettent des obligations, le niveau de leur cote de crédit est déterminant pour leurs coûts de financement à inscrire dans leur budget courant, et dans leurs prochains budgets selon l’évolution de leur capacité financière et de leur niveau d’endettement », indique Louis Lévesque.

Au Canada, c’est le gouvernement fédéral qui bénéficie de la plus haute cote de crédit, de niveau AAA, parmi tous les gros emprunteurs et les émetteurs de titres de dette d’origine canadienne.

Suivent les gouvernements des principales provinces, c’est-à-dire l’Ontario, le Québec, l’Alberta et la Colombie-Britannique, qui obtiennent des cotes de crédit de niveau AA ou A.

Le Québec avantagé

Comment se matérialisent ces écarts de cote de crédit entre le fédéral et les provinces ?

D’abord, ces cotes de niveau AAA ou AA signalent aux marchés financiers canadiens et internationaux que les titres de dette de ces gouvernements sont les plus sûrs offerts au Canada, et donc ont un risque de défaut de paiement très faible sinon presque nul pour les prêteurs et les investisseurs.

Louis Lévesque, économiste financier de carrière et ex-cadre supérieur aux ministères des Finances à Québec et à Ottawa

« Ensuite, c’est sur le plan du rendement en intérêts des titres de dette émis par ces gouvernements que se manifeste l’écart de leur cote de crédit. Ces temps-ci, par exemple, le gouvernement fédéral émet des obligations sur 10 ans avec un taux d’intérêt aux environs de 3,55 %. Ce taux est légèrement rehaussé aux environs de 3,75 % pour les obligations 10 ans émises par le gouvernement du Québec, et aux environs de 3,8 % pour les obligations émises par l’Ontario. »

Le Québec se finance à moindre coût que l’Ontario ?

« En effet. Depuis quelques années, le gouvernement du Québec bénéficie d’une cote de crédit un peu meilleure que celle de l’Ontario, et peut donc se financer à coût avantageux malgré la forte remontée des taux d’intérêt », signale Louis Lévesque.

« Cet écart [de cotes de crédit] favorable au Québec découle essentiellement des mesures de gestion budgétaire et de réduction de l’endettement effectuées par les gouvernements à Québec durant les années 2000 et 2010. »

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