(Montréal) Au moment où la production d’électricité n’est pas suffisante pour répondre à toutes les nouvelles demandes de projets industriels, le gouvernement Legault devrait permettre aux producteurs d’énergie du secteur privé de vendre directement aux entreprises, plaide l’Institut économique de Montréal (IEDM).

Sinon, le Québec se trouverait à mettre « un frein » à son développement économique, craint l’organisme de réflexion associé à la droite économique. « De par l’absence d’alternative à Hydro-Québec, les projets d’entrepreneurs qui seront refusés devront aller ailleurs pour que ceux-ci soient réalisés, déplore son analyste en politique publique, Gabriel Giguère, en entrevue. De permettre à des producteurs privés de vendre de l’électricité, ce serait très certainement une meilleure chose. »

L’IEDM fait cette intervention tandis que le ministère de l’Énergie mène des consultations sur l’encadrement et le développement des énergies propres. L’objectif est de déposer un projet de loi cet automne.

Les entreprises privées sont présentes dans la production d’électricité au Québec, notamment pour l’éolien, le solaire et les barrages hydroélectriques de moins de 50 MW. Elles agissent toutefois à titre de fournisseurs d’Hydro-Québec, qui a le monopole de la vente et la distribution d’électricité.

Une entreprise peut, elle-même, produire de l’électricité pour son propre projet, comme c’est le cas de Rio Tinto, mais elle ne peut pas conclure une entente avec un producteur indépendant.

Hausse de la demande

L’hydroélectricité québécoise suscite un engouement encore jamais vu tandis que de nombreuses entreprises veulent réduire l’empreinte carbone de leurs projets. Or, la capacité d’Hydro-Québec, qui envisage la fin des surplus pour 2027, ne sera pas suffisante pour répondre favorablement à toutes les demandes.

Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a répété à maintes reprises que tous les projets ne pourraient pas aller de l’avant. Le gouvernement a reçu une liste de demandes équivalente à 23 000 MW et près de 10 000 MW sont sérieusement considérés.

Autoriser les producteurs indépendants à vendre directement leur électricité à des clients industriels permettrait la réalisation de davantage de projets, selon M. Giguère. « C’est absolument nécessaire qu’il y ait des solutions de rechange pour le développement économique au Québec », plaide M. Giguère.

Des entreprises québécoises ont déjà adopté ce modèle aux États-Unis, souligne l’analyste. Il donne en exemple le producteur québécois Innergex qui alimente Amazon en Ohio.

Au Québec, le modèle pourrait aussi s’inscrire dans un effort de réconciliation avec les communautés autochtones qui pourraient développer leurs projets.

Barrages

L’IEDM suggère également de rehausser le plafond de 50 MW de capacité pour les barrages hydroélectriques du secteur privé.

Sous ce seuil, il devient difficile de développer un projet de barrage dans le secteur privé, avait expliqué le président et chef de la direction du producteur d’énergie Innergex, Michel Letellier, en mai. « Il n’y en a pas beaucoup [de sites où ce serait possible]. Des sites vierges, il y a quand même un niveau de réticence. On a des gens qui vont faire du kayak, du canot. Avec l’écotourisme, c’est un enjeu. Je ne dis pas qu’il ne s’en fera pas, mais forcément, il y a un défi d’intégration. »

Le ministre Fitzgibbon avait déjà ouvert la porte, en mai, à la possibilité d’augmenter ce plafond, mais il s’était montré sceptique à l’idée de confier de grands ouvrages au secteur privé. « L’expertise des barrages, c’est Hydro-Québec. C’est la valeur qu’on a au Québec. Je verrais mal pourquoi on ouvrirait ça. Il y a des barrages privés qui existent, qu’on peut continuer à alimenter ou à augmenter leur capacité. »

M. Giguère croit qu’il reste encore suffisamment de rivières pour développer des barrages au privé si on relève le plafond de 50 MW.

« Il n’y a pas de possibilité d’un barrage Robert-Bourassa à plus de 5000 MW, mais en haut de 50 MW, il y a plusieurs possibilités, juge l’analyste. Ce n’est pas nécessairement des projets d’envergure. Il faut faire preuve de souplesse réglementaire, car Hydro-Québec ne pourra pas développer du jour au lendemain l’ensemble du potentiel électrique. »