Un plus grand nombre d’acteurs dans l’industrie des marchés d’alimentation favoriserait une baisse des prix pour les consommateurs, dont la facture d’épicerie ne cesse de gonfler, conclut une étude publiée mardi par le Bureau de la concurrence.

Ce qu’il faut savoir

  • Un plus grand nombre d’acteurs dans l’industrie des marchés d’alimentation favoriserait une baisse des prix, a conclu le Bureau de la concurrence dans son rapport intitulé Le Canada a besoin de plus de concurrence dans le secteur de l’épicerie, publié mardi.
  • La marge brute des détaillants en alimentation a augmenté de façon « modeste », mais « significative » au cours des cinq dernières années.
  • Favoriser la venue d’enseignes internationales aurait également un impact positif sur les prix payés par les consommateurs.

Actuellement, l’industrie est menée par cinq grands acteurs au pays : Loblaw (Maxi, Provigo), Sobeys (IGA), Metro, Walmart et Costco.

Fait à souligner, les marges brutes des grands détaillants sur les produits alimentaires « ont généralement augmenté de façon modeste, mais significative au cours des cinq dernières années », révèle-t-on dans le rapport intitulé Le Canada a besoin de plus de concurrence dans le secteur de l’épicerie, un titre qui en dit long sur les conclusions tirées par le Bureau de la concurrence.

Avec une augmentation des marges d’un ou deux points de pourcentage depuis 2017, les consommateurs ont dû sortir de leur poche entre 1 $ et 2 $ de plus pour chaque tranche de 100 $ dépensés à l’épicerie, donne-t-on en exemple.

Or, de passage devant un comité parlementaire en mars, les dirigeants des principales grandes enseignes ont martelé que leurs marges bénéficiaires étaient demeurées stables et qu’ils n’avaient pas profité de l’inflation pour gonfler les prix sur les tablettes.

Selon les chiffres publiés par Statistique Canada mardi, les prix en épicerie ont augmenté de 9 % en mai, contre 9,1 % en avril.

Et les conclusions de l’organisme sont sans équivoque. « Lorsqu’une industrie est très compétitive, les entreprises ne peuvent généralement pas augmenter leurs marges. Le fait que les plus grands épiciers canadiens aient généralement pu le faire au cours des cinq dernières années, même modestement, montre qu’il y a de la place pour une plus grande concurrence dans le secteur canadien de l’épicerie. »

Il y a deux semaines, un rapport du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire recommandait notamment de taxer davantage les grandes chaînes d’épicerie dans le cas où il serait prouvé qu’elles engrangent des profits excessifs.

L’arrivée au pays de détaillants internationaux comme Walmart et Costco a grandement contribué à instaurer une compétition plus saine. Mais il faudrait davantage d’épiciers venus d’outremer, recommande-t-on également dans le rapport.

« Le Canada a besoin de solutions pour maîtriser le prix du panier d’épicerie. L’augmentation de la concurrence est un élément clé de la solution », peut-on également lire dans le document rédigé au terme d’entrevues avec une dizaine de représentants de l’industrie.

Il a toutefois été impossible de comprendre dans quelle mesure l’arrivée des magasins Costco et Walmart au pays a été bénéfique pour les consommateurs à la recherche constante de bas prix. « On n’a pas chiffré les bénéfices de cette concurrence, a reconnu un haut fonctionnaire travaillant au sein de l’organisme, au cours d’une séance d’informations avec les journalistes. Mais c’est clair que l’entrée au pays et l’expansion de Costco et Walmart ont été bénéfiques pour les prix. »

« Favoriser la croissance » des marchands indépendants, mettre en place un processus clair d’affichage du prix unitaire pour faciliter les comparaisons d’un magasin à l’autre et « limiter l’utilisation des contrôles de propriété qui compliquent l’ouverture de nouveaux magasins d’alimentation » comptent parmi les autres principales recommandations faites au gouvernement fédéral pour favoriser une saine concurrence.

Des marges modestes

De son côté, le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD), qui représente les cinq principales enseignes au pays, refuse de dire si l’ajout de nouveaux acteurs dans le paysage permettrait aux consommateurs de payer une facture moins salée à l’épicerie. « Les prix sont déjà très faibles. Donc, forcément, il y a quelque chose qui doit fonctionner dans le système actuel », affirme son président pour le Québec, Michel Rochette.

Les prix seraient-ils plus bas s’il y avait plus d’enseignes ? « C’est délicat [comme question]. Le Canada et le Québec sont assez ouverts à la concurrence. Il n’y a rien qui empêche des commerçants à venir ici », a-t-il répondu.

M. Rochette a également rappelé que le rapport avait « déboulonné » certaines croyances à propos des profits engrangés par les épiciers. « Le rapport n’a pas conclu que les profits étaient excessifs. On a noté que les marges étaient plutôt faibles, modestes en fait. »

Des vœux pieux

La décision du Bureau de scruter à la loupe la hausse du prix des aliments et d’analyser la concurrence entre les principaux détaillants a été prise en octobre. Près de huit mois plus tard, le rapport qui en résulte n’est qu’une série de « vœux pieux », soutient Jacques Nantel, professeur et spécialiste du commerce de détail à HEC Montréal.

« À bien des égards, ce sont des conclusions qui ressemblent beaucoup à un rapport [le rapport Plumtre] qui avait été déposé exactement sur la même question en 1973, ça fait 50 ans. Il disait sensiblement la même chose, notamment à propos de l’importance d’avoir plus de concurrence. »

Il soulève également le fait que l’étude recommande à la fois l’arrivée d’importants acteurs étrangers et la multiplication de marchands locaux indépendants. Deux idées difficiles à implanter en même temps, selon lui.

Ce rapport attendu a-t-il fait trop de bruit pour rien ? « Il fallait que quelqu’un fasse quelque chose. Mais on se rend compte qu’il n’y a pas énormément de choses qui peuvent être faites [par le gouvernement]. »

Prix unitaire

Le Québec est un exemple à suivre, selon le rapport, en ce qui concerne l’affichage du prix unitaire permettant aux consommateurs de comparer les prix pour des cartons de jus d’orange de formats différents, par exemple. Ce type d’affichage est obligatoire dans la Belle Province, ce qui n’est pas le cas ailleurs au pays.

Meilleur prix

Près de 79 % des consommateurs canadiens font parfois leurs emplettes à plusieurs adresses afin de trouver les meilleurs prix, révèle l’étude du Bureau de la concurrence. Et dans leur chasse aux aubaines, près de 61 % d’entre eux sont plus enclins à fréquenter un supermarché leur permettant d’accumuler des points dans le cadre d’un programme de fidélité.

Étiquetage coûteux

Les coûts engendrés par la production d’étiquettes bilingues sur les aliments emballés dissuaderaient certains grands acteurs internationaux de s’installer au pays. « Toutefois, certains épiciers internationaux nous ont dit qu’ils sont déjà habitués à faire ce genre d’étiquettes dans d’autres pays et qu’ils ne considèrent pas cela comme un problème », a-t-on également indiqué.