(Québec) Le crédit d’impôt qui accompagne l’achat d’actions du Fonds de solidarité FTQ et de Fondaction ne sera plus automatique pour les nantis. Québec le rend conditionnel à un plafond fixé en fonction du salaire annuel des particuliers et allonge la période de détention minimale des titres, qui passe à cinq ans.

Plus précisément, les travailleurs ayant gagné plus de 112 655 $ en 2022 – un seuil qui sera indexé annuellement – ne seront plus admissibles à la mesure fiscale offerte par les fonds de travailleurs, dont la mission consiste à investir dans l’économie québécoise. Les changements annoncés mardi dans le budget du ministre des Finances, Eric Girard, entreront en vigueur pour l’année d’imposition 2024.

En écartant les salariés plus fortunés, environ 60 000 nouveaux épargnants devraient en profiter, selon les estimations du gouvernement Legault.

« L’idée est de permettre l’accès à un plus grand nombre de personnes, a affirmé le ministre Girard en point de presse. Les travailleurs aux tranches [salariales] supérieures optaient pour le maximum [des cotisations] et le montant était plus petit dans les tranches inférieures. »

Au moment où les périodes de souscription se raccourcissent chez les fonds de travailleurs en raison d’une demande vigoureuse, Québec estime qu’un rééquilibrage était nécessaire afin de donner plus de temps aux travailleurs moins fortunés d’économiser pour se procurer des actions.

Un particulier qui investit dans un fonds de travailleurs bénéficie d’un crédit d’impôt qui correspond à 15 % du montant de la transaction – plafonné à 5000 $. La mesure fiscale ne peut excéder 750 $. Le gouvernement fédéral offre également un crédit d’impôt de 15 %.

Il y avait plus de 1 million d’actionnaires répartis entre le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction en 2021, selon les données gouvernementales. Les deux organisations ont perçu des cotisations supérieures à 1,5 milliard, ce qui a représenté environ 12 % des déductions REER totales au Québec.

La présidente de la CSN, Caroline Senneville, qui est également présidente du conseil d’administration de Fondaction, n’a rien contre les changements. Elle aurait cependant voulu voir Québec aller un peu plus loin.

« On ne met pas en question le plafond [du salaire annuel], mais on aurait aimé voir le gouvernement nous donner le droit d’émettre plus d’actions, affirme Mme Senneville. On atteint le plafond assez rapidement et cela nous freine dans nos investissements. »

Plus qu’un plafond

Parmi les autres changements, Québec rehausse à cinq ans la durée de détention minimale d’une action d’un fonds de travailleurs. Elle est actuellement de deux ans. L’objectif : « conjuguer les objectifs » des organisations qui veulent offrir du « capital patient aux entreprises québécoises ». De façon générale, un actionnaire ne peut exiger le rachat de ses actions avant l’âge de 65 ans.

« On vient enlever quelques années aux épargnants qui souhaitaient acheter des actions et profiter du crédit d’impôt non remboursable [tout juste] avant leur retraite », souligne l’associé fiscaliste chez EY, Stéphane Leblanc.

La prolongation de la durée minimale de détention s’effectuera progressivement. On ajoutera une année le 1er juin de chaque année jusqu’en 2026.

Missions retouchées

Finalement, le gouvernement Legault retouche les missions du Fonds de solidarité FTQ, de Fondaction et du Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD), notamment pour mousser les avantages de l’épargne auprès des travailleurs.

Dans le cas du fonds CRCD, la moitié des investissements admissibles devront s’effectuer dans des coopératives admissibles ou dans des régions de la province. Cette proportion est actuellement de 35 %. Quant aux deux fonds de travailleurs, le gouvernement Legault édicte des lignes directrices qui figuraient indirectement dans leurs stratégies d’investissement. On leur demande par exemple de mettre l’accent sur des investissements qui stimulent la productivité et l’économie circulaire.

« La création d’emplois était dans la mission des fonds lorsqu’ils ont été créés, affirme Mme Senneville. C’est moins une problématique présentement. »

En savoir plus
  • 750 000
    Nombre d’actionnaires du Fonds de solidarité FTQ
    source : gouvernement du Québec
    250 000
    Nombre d’actionnaires de Fondaction
    source : gouvernement du Québec