Silicon Valley Bank (SVB) a beau être un petit acteur au Canada, surtout comparé à ses activités aux États-Unis, sa déroute « va laisser des cicatrices » ici, estime Jean-François Marcoux, associé directeur et cofondateur de White Star Capital.

Le fonds montréalais avait été décrit comme un des clients québécois de SVB à l’ouverture de son bureau montréalais, le troisième au Canada après Toronto et Vancouver. Contrairement aux États-Unis, cette filiale canadienne n’a pas de déposants commerciaux ou individuels, uniquement des prêts aux entreprises évalués à 349 millions US (479 millions CAN) fin 2022.

Par contre, précise M. Marcoux, certaines start-up canadiennes clientes de SVB avaient ouvert un compte aux États-Unis avec cette institution pour y disposer de liquidités. La plus connue est AcuityAds Holdings, de Toronto, qui comptait 55 millions US dans son compte américain, soit 90 % de ses liquidités, selon ce que rapporte l’agence Reuters.

D’autres entreprises québécoises et canadiennes, dont certaines sont partenaires de White Star Capital, ont procédé ainsi, « mais ça ne touchait qu’une fraction de leur encaisse », dit M. Marcoux, qui ne dévoile pas leur nom ou leur nombre. « Comme gestionnaire de fonds, nous aussi, on avait peu d’encaisse avec Silicon Valley Bank. Ça, c’est rassurant. »

Spécialisée dans la « dette à risque »

Cela dit, même des sommes qui semblent minimes peuvent être cruciales pour de jeunes pousses, note-t-il. « Si tu as 350 000 $ qui sont gelés, chaque dollar est tellement important au stade de capital de risque. C’est une situation très stressante pour certaines compagnies. »

Il estime qu’un certain nombre de jeunes pousses qui se sont vu accorder un prêt par SVB ne l’ont pas nécessairement encaissé, ajoute le cofondateur de White Star Capital. « Ça fait en sorte que tu dois trouver une banque de remplacement. Il y a quand même du travail pour refinancer une partie de ces 350 millions US. »

Les 479 millions CAN de prêts accordés par SVB au Canada, dont au moins la moitié l’ont été en 2022 et 2023, selon le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada (BSIF), sont à mettre en perspective. Pour la seule année 2022, selon le plus récent rapport de Réseau Capital, les investissements en capital de risque ont totalisé près de 10 milliards au Canada, dont 2,46 milliards au Québec.

Par contre, la Silicon Valley Bank était un intervenant plus significatif dans ce qu’on appelle la « dette à risque », ou « venture debt ». SVB était spécialisée dans ces « prêts conçus pour les jeunes entreprises à croissance rapide appuyées par des investisseurs », comme l’explique l’institution financière sur son site.

Plus de diversification

Toujours selon le rapport 2022 de Réseau Capital, les jeunes pousses canadiennes ont reçu 664 millions en « dette à risque », dont plus de la moitié de cette somme en Ontario. Au Québec, les prêts à risque attribués ont totalisé 70 millions.

« De façon générale, c’est un environnement qui n’est pas facile pour l’investissement, et ce qui arrive à Silicon Valley Bank ne va pas aider, explique M. Marcoux. Dans les six derniers mois, la levée de fonds est plus difficile. Ça va le devenir aussi pour les emprunts bancaires. Les banques pourraient devenir plus frileuses. »

Les entreprises technos devront en outre apprendre à diversifier leur avoir bancaire, estime-t-il, recourant à plusieurs institutions au lieu d’une seule. « Elles vont aussi faire attention de ne pas se plier aux exigences de certaines banques comme la SVB, qui exigeaient le transfert des comptes chez elles quand elles prêtaient. Ça ne se fera plus. »

Les demandes d’entrevue de La Presse avec des représentants de SVB au Canada, tant au bureau principal de Toronto qu’à Montréal, n’ont obtenu aucune réponse.