Pour la première fois depuis le début de la pandémie, ceux qu’on appelle les maîtres du monde ont renoué avec leur rendez-vous annuel d’hiver à Davos, dans les Alpes suisses. L’évènement a encore fait les nouvelles, mais pas nécessairement pour les bonnes raisons.

Les jets privés qui vont et viennent pendant les quatre jours du Forum économique mondial suscitent de plus en plus de controverse, à juste titre. Les leaders venus de partout pour discuter des plus grands défis qui confrontent le monde, dont la crise climatique fait partie, ne se privent pas de leur moyen de transport favori pour aller participer aux discussions.

L’an dernier, les aéroports qui desservent Davos ont enregistré une multiplication par quatre des émissions polluantes provenant des avions privés pendant le Forum économique mondial.1

Les organisateurs de l’évènement se sont engagés à compenser les émissions des participants, mais il y a quand même de quoi s’indigner.

C’est d’ailleurs ce qu’a fait l’ancien vice-président américain Al Gore, qui a piqué une colère devant le panel auquel il participait. Pendant quatre minutes, il a dénoncé avec véhémence l’inaction des leaders de ce monde à mettre en œuvre les solutions qui existent pour freiner le réchauffement climatique. Devant des gens qui sont justement censés changer le monde depuis plus de 50 ans, ça ne devait pas manquer de piquant. L’organisation a conservé dans ses archives un bout de la montée de lait d’Al Gore.2

L’autre sujet qui a fait sourciller beaucoup de monde est le concert privé de Sting organisé à Davos par Microsoft pour 50 de ses dirigeants. C’est déjà assez peu relié au sort de la planète, mais le pire, c’est que le lendemain de ce spectacle sans doute mémorable pour ceux qui y ont assisté, l’entreprise américaine annonçait la mise à pied de 10 000 employés en raison de la détérioration des conditions économiques…

Il ne faut pas réduire le Forum économique mondial à ces incongruités. Comme le répète chaque année le fondateur et grand gourou de l’évènement, Klaus Schwab, rien ne remplace jamais les rencontres en personne pour faire avancer les choses.

C’est vrai, mais beaucoup de participants se rendent à Davos pour faire avancer leur propre ordre du jour plutôt que celui de l’humanité. Au Québec, par exemple, les politiciens qui s’y rendent n’ont jamais caché que leur objectif était d’attirer des investisseurs. Cette année, le super-ministre Pierre Fitzgibbon y a participé, mais il ne s’en est pas tellement vanté publiquement.

Il n’y a pas si longtemps, se rendre à Davos était tout un évènement et c’était bien vu de s’y faire voir. Des vedettes comme Bono et Angelina Jolie y paradaient volontiers pour faire mousser des causes qui leur tenaient à cœur. Cette année, malgré la présence de plusieurs gros noms, ni les États-Unis, ni la France, ni le Royaume-Uni n’ont jugé bon d’y déléguer leur chef d’État. Le seul dirigeant d’un pays du G7 qui a fait le voyage est le chancelier allemand, Olaf Scholz.

L’évènement n’a guère changé au fil des décennies, mais le monde, lui, a changé. Le commerce international ne s’est jamais remis complètement de la crise financière de 2008. La pandémie et la guerre en Ukraine sont en train de redéfinir les liens commerciaux entre les pays.

La mondialisation célébrée à Davos ne suscite plus le même intérêt. En fait, ceux que le Forum économique mondial excite le plus sont les complotistes qui sont convaincus que Klaus Schwab et ses invités se préparent à prendre le contrôle de la planète.

Le Forum économique mondial en était à sa 53e édition. Survivra-t-il à son chef d’orchestre, qui a 84 ans ? La question se pose certainement.

Lisez un article du Guardian (en anglais) Voyez le discours d’Al Gore (en anglais)