En plus d’une récession probable et de l’inflation persistante, une autre menace guette l’économie canadienne : la nouvelle politique américaine pour attirer l’investissement étranger dans tout ce qui gravite autour de la transition énergétique.

Ottawa a jugé qu’une réplique rapide était essentielle. C’est ce qui a servi de base de riposte dans la mise à jour économique automnale de jeudi.

Le gouvernement Trudeau ne cache pas son inquiétude à l’égard de l’Inflation Reduction Act (IRA), cette loi adoptée par l’administration Biden et qui est dotée d’une enveloppe de 370 milliards US pour appuyer des projets visant à lutter contre les changements climatiques.

« Elle change la donne non seulement […] pour l’écosystème industriel nord-américain de la prochaine génération, a expliqué un haut fonctionnaire, jeudi, pendant la présentation de la mise à jour économique. Ils ont créé une sorte de trou noir pour attirer les capitaux internationaux aux États-Unis. »

Construction de véhicules électriques, traitement des minéraux critiques, production d’énergie propre… Une série de créneaux sont admissibles à des crédits d’impôt et à des subventions en vertu de l’IRA.

Quelques faits saillants de l’Inflation Reduction Act

  • 30 milliards US en crédits d’impôt pour accélérer le traitement de minéraux critiques ainsi que la production d’éoliennes et de panneaux solaires
  • 10 milliards US en crédits d’impôt pour la construction d’usines de véhicules électriques, d’éoliennes et de panneaux solaires
  • 27 milliards US pour les technologies de production d’énergie propre

« La loi est de 370 milliards, mais comme les mesures ne sont pas plafonnées, certains observateurs prévoient que les sommes accordées seront beaucoup plus importantes, explique un fonctionnaire. J’ai vu des banquiers dire que le plan pourrait atteindre 600, 700 ou même 800 milliards US. »

Préparer la réplique

Le contenu de l’énoncé économique automnal du gouvernement Trudeau lève le voile sur les gestes qui seront faits afin de niveler les conditions de concurrence, selon un haut fonctionnaire.

Ottawa débloquera 6,7 milliards sur cinq ans dès 2023-2024 pour offrir un crédit d’impôt remboursable équivalent à 30 % des dépenses d’investissements dans des technologies comme la production d’électricité verte, le stockage d’énergie, le matériel de chauffage à faible émission et les véhicules industriels zéro émission. Le prochain budget fédéral introduira également un nouveau crédit d’impôt pour stimuler l’investissement dans la production d’hydrogène propre.

Sans nommer l’IRA, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a fait référence, lors de son discours budgétaire, à l’ombre qui plane sur l’économie canadienne.

Aujourd’hui, nous sommes également à la croisée des chemins. La transition vers la carboneutralité exige une transformation industrielle d’une ampleur comparable à celle de la révolution industrielle.

Chrystia Freeland

Ottawa ne doit pas se contenter de répliquer à l’IRA. Un rattrapage doit se faire au chapitre des investissements privés.

« Aux États-Unis, les investissements des entreprises sont maintenant supérieurs de 3 % à leur niveau d’avant la pandémie, souligne un haut fonctionnaire. Au Canada, ce niveau est inférieur de 1,5 à 2 % [par rapport à 2019]. Il y a un grand écart entre nous et les États-Unis. »

Cette personne a affirmé qu’il faut donc s’attendre à de nouvelles mesures dans le budget qui sera présenté au printemps afin de corriger le tir.

Un fonds en préparation

Entre-temps, un outil annoncé le printemps dernier par Ottawa dans l’espoir d’accélérer les investissements dans les technologies vertes devrait voir le jour d’ici Noël. Il s’agit du Fonds de croissance du Canada (FCC), doté d’une enveloppe de 15 milliards.

Les États-Unis ne sont pas les seuls à avoir déployé d’ambitieux plans pour financer des projets à faibles émissions de carbone. L’Union européenne (35 milliards CAN), la France (9,5 milliards CAN) ainsi que les Pays-Bas (17,5 milliards CAN) figurent parmi les pays qui ont décidé de consacrer des sommes colossales visant à financer des projets de la sorte.

En ce qui a trait au FCC, l’initiative vise à attirer au moins 3 $ de capitaux privés pour chaque dollar public qui sera investi. Ce fonds a pour objectif de « combler les écarts de financement » avec le secteur privé lorsque vient le temps de financer des projets. On ignore toutefois quand auront lieu les premiers investissements.