(Ottawa ) Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, affirme qu’il est possible de contrer les pressions inflationnistes au pays en haussant les taux d’intérêt sans provoquer une récession.

L’inflation a atteint un sommet en 30 ans en mars en s’établissant à 6,7 %. Certains experts estiment que la Banque du Canada pourrait devoir asséner un remède de cheval pour freiner la hausse des prix qui frappe tous les secteurs – un remède qui pourrait entraîner l’économie canadienne dans une récession.

Témoignant lundi devant les élus pour la première fois depuis que la Banque du Canada a décrété une augmentation du taux directeur de 50 points de base, il y a deux semaines, M. Macklem a soutenu que l’économie canadienne connaissait une période de forte croissance et pouvait encaisser d’autres hausses.

Une majoration d’au moins 50 points de base semble d’ailleurs acquise en juin, a-t-il affirmé durant un témoignage de deux heures devant le comité des finances de la Chambre des communes.

M. Macklem a souligné que ramener le taux d’inflation dans une fourchette de 2 à 3 %, comme le prévoit le mandat de la Banque du Canada, ne sera pas un exercice facile. En temps normal, la Banque du Canada privilégie une hausse de 0,25 % du taux directeur. Mais l’inflation doit être maîtrisée à tout prix et le plus rapidement possible, a-t-il fait valoir.

« Nous avons signalé aux Canadiens qu’ils doivent s’attendre à d’autres augmentations des taux d’intérêt. Nous avons dit que nous devions normaliser la politique monétaire assez rapidement. Alors que nous évaluons notre prochaine décision, l’étape habituelle serait de 25 points de base. Mais nous envisageons une augmentation de 50 points de base. Je n’écarterais pas d’autres possibilités, mais tout ce qui va au-delà de 50 points de base serait très inhabituel », a-t-il expliqué.

Optimisme prudent

Interrogé pour savoir si le remède qu’il envisage maintenant pourrait faire toussoter l’économie canadienne, le gouverneur s’est montré prudemment optimiste. Il a affirmé que le taux de chômage a atteint un creux historique de 5,3 % le mois dernier et que l’on compte des centaines de milliers de postes vacants. En outre, le taux directeur actuel à 1 % est encore sous le niveau d’avant la pandémie de COVID-19.

« L’économie a besoin de taux d’intérêt plus élevés et elle est capable de les encaisser. La demande commence à dépasser notre capacité de production. On a besoin de taux plus élevés pour rétablir l’équilibre de l’économie et modérer l’inflation au pays. On a aussi besoin de taux d’intérêt plus élevés pour garder les attentes des Canadiens par rapport à l’inflation bien ancrées à la cible [de la Banque du Canada] », a soutenu le gouverneur Macklem.

« Nous estimons que l’économie peut croître et qu’on peut maîtriser l’inflation. Je ne dis pas que ce ne sera pas difficile. […] Est-ce qu’il y a des risques ? Oui, bien sûr, il existe des risques. La seule chose que je dirais, c’est qu’on prend les décisions une à la fois et on va surveiller la façon dont nos taux d’intérêt se répercutent sur l’économie. On va surveiller aussi leurs effets sur l’inflation et on va calibrer nos décisions en fonction de ce dont l’économie a besoin », a-t-il ajouté.

Durant son témoignage, M. Macklem a reconnu que le taux d’inflation était nettement plus élevé que ce qu’avait prévu la Banque du Canada au début de l’année. À ce moment, elle soutenait toujours que les pressions inflationnistes étaient temporaires.

Mais la guerre en Ukraine provoquée par la Russie, la hausse du prix du pétrole et les récentes mesures de confinement en Chine en raison de la pandémie de COVID-19 ont changé la donne, provoquant de nouvelles perturbations aux chaînes d’approvisionnement.

« Tous ces facteurs font en sorte que l’inflation est non seulement à la hausse, mais à la hausse pour une plus longue période », a convenu Tiff Macklem, qui portait une épinglette du drapeau ukrainien sur son veston. « Une grande partie de l’inflation que nous avons à l’heure actuelle vient de l’extérieur de nos frontières. […] La guerre en Ukraine a fait monter le prix de l’énergie et d’autres produits de base et perturbe davantage les chaînes d’approvisionnement mondiales. Les facteurs qui font grimper l’inflation viennent de l’étranger, mais compte tenu de la demande excédentaire au sein de l’économie, nous devons aussi composer avec des pressions internes sur les prix. »